Prix Goncourt en 2001 pour « Rouge Brésil », Jean-Christophe Rufin est aussi un alpiniste averti. Jamais encore l’écrivain dont la vie est une succession d’engagements ne s’était aventuré à explorer des chemins plus intimes au prisme de cette passion.
Horizontalement, Jean-Christophe Rufin est berrichon. Verticalement, l’écrivain est Haut-Savoyard. Si l’enfant de Bourges reste attaché aux plaines céréalières, ce sont les montagnes qui l’ont grandi et qui l’inspirent. C’est sur les flancs de Chamonix qu’il écrit, qu’il respire et s’élève. L’académicien, prix Goncourt en 2001 pour « Rouge Brésil », ancien président de Médecins sans Frontières et d’Action contre la faim et qui a exercé les fonctions d’ambassadeur de France au Sénégal, n’est pas un contemplatif. L’observation solitaire des dissipations nuageuses sur le clocher de Saint Etienne, seul pic calcaire planté au milieu de la France, n’enflamme pas son métabolisme romanesque. Il préfère s’élever. Grimper par plaisir, celui de la cordée, et par goût, celui de l’amitié. Celle qu’il partage avec Sylvain Tesson notamment. Tandis qu’il publie par ailleurs « Flammes de pierre (*), – son premier roman « montagnard » – cet auteur centrifuge, qui n’a jamais dévissé dans la spirale centripète de l’autofiction, admirateur de Dumas, pèlerin laïc d’Immortelle randonnée, sur son voyage à Compostelle, a choisi cette belle et jeune série d’ouvrages qu’est « Versant intime », chez Arthaud, pour y dévoiler, en parfait humanitaire, ses « montagnes humaines ».
Au fil de l’entretien avec Fabrice Lardreau, directeur de la collection, ce livre se révèle un précieux guide pour qui veut le connaître et le suivre. Dans ses réponses, Rufin ne prend jamais la tangente Son enfance, ses parents, son grand-père, – ce héros taiseux qui l’a « élevé », justement – sa jeunesse, ses engagements ses peurs, ses choix, ses joies. Mais aussi l’écriture, l’aventure, l’environnement… De quoi tracer une voie claire et nette qui dessine ce qui a été jusqu’alors le sens de son existence. Parlez, la montagne répondra. Voici l’écho d’une vie par la voix d’un homme qui se penche sur son passé. Bien sûr il s’en sort par le haut. Mais pas en solo. A la fin de l’ouvrage, il s’encorde à Buzzati, Piaz (Ndlr : Tita Piaz, qu’on surnomma « Le diable des Dolomites »), Kessel ou Frison-Roche par le biais de quelques morceaux choisis qui sont autant de lignes de crêtes.
Jean-Michel Ulmann
« Montagnes humaines ». Jean-Christophe Rufin. Entretiens avec Fabrice Lardreau. Ed. Arthaud, 192 pages, 13€ (Lire aussi dans la même collection: “Vallées secrètes”, de Bernard Minier, 183 pages, 13€)
« Les Flammes de pierre ». Jean-Christophe Rufin. Ed. Gallimard, 325p, 21€.