Vincent Canchon pratique l’écriture comme un sport extrême. Dans un premier roman, il nous embarque dans la finistérienne tourmente d’une passion impuissante. Vous ne regretterez pas le voyage.
Un exercice de style ? En aucun cas. Pas de vaine gymnastique dans ce premier roman tourbé. Ce qu’a tu le vent d’Ouest ne sort pas ébarbé d’un de ces ateliers d’écriture où sont produits des livres « qui ressemblent à des légumes calibrés ». D’aspérités en chicanes, de pleins en déliés, publié au mépris des produits d’appel, Vincent Canchon ne prend pas de haut ses lecteurs, il les élève. Si nécessaire en les faisant grimper sur le dictionnaire de l’académie. Canchon écrit à la pointe sèche, en sertissant des perles de granit qui donnent un éclat singulier à sa prose. « Le ciel partout cédait aux appels du gouffre, étirant doucement les pâtis d’ombre d’où nous suivions l’agonie de ce jour trop lourd… »
De quoi s’agit-il ? D’une sommation reçue par le narrateur à rendre visite dans son manoir breton à un ami perdu de vue, lui et sa dévotion à Warroc, un mystérieux écrivain.
Dès l’ouverture il nous semble assister à l’épilogue d’une amitié jadis interrompue. Il est temps de s’expliquer ou de rompre. Page à page, leur passé se recompose dans leur effort à poser les dernières pièces du puzzle de leur destin.
Le récitant de cet oratorio breton s’appelle Beaumanoir. Greffier du vent, il tient la chronique de ce dernier rendez-vous avec Storvean, son hôte, démiurge d’une légende arthurienne où la quête d’un écrivain – génie ou imposteur – le retient dans la forteresse engloutie de ses illusions. Drame romantique sanglé dans les règles de la tragédie classique, récit sous haute tension où le décor armoricain ne fait qu’un avec les caractères, Ce qu’a tu le vent d’Ouest invite à une course en solitaire d’où l’on revient trempé, rincé, suffocant, étourdi et heureux.
Jean-Michel Ulmann
« Ce qu’a tu le vent d’Ouest » , de Vincent Canchon. Ed. L’Arpenteur, 175p, 16,50€
Commentaire
Jean-Yves Léopold
« Le ciel partout cédait aux appels du gouffre, étirant doucement les pâtis d’ombre d’où nous suivions l’agonie de ce jour trop lourd… » -- […] En savoir plus« Le ciel partout cédait aux appels du gouffre, étirant doucement les pâtis d’ombre d’où nous suivions l’agonie de ce jour trop lourd… » -- Vincent CANCHON Pour l'élégance du titre de son livre & le plaisir de retrouver la beauté de cette phrase, qui repose à mon avis sur le syntagme "des pâtis d'ombre", je lirai ce livre cette année (plutôt en fin d'année, vu que mon programme est déjà bien chargé...). Merci à vous de ce partage ! Read Less
VINCENT CANCHON
to Jean-Yves Léopold
Merci à Jean-Yves Léopold pour ce commentaire qui me va droit au coeur, et pour son intention affirmée de lire Ce qu'a tu le vent […] En savoir plusMerci à Jean-Yves Léopold pour ce commentaire qui me va droit au coeur, et pour son intention affirmée de lire Ce qu'a tu le vent d'Ouest ! En espérant que cette lecture inclinera ses voiles à quelque alizé de bon augure, je demeure à disposition pour en discuter. Très bonne semaine. Read Less