En 2023, le monde de l’édition a célébré les 120 ans de la naissance de Georges Simenon. En point d’orgue, la collection Omnibus rassemble en douze volumes les 117 « Romans durs » de l’écrivain. La Table Ronde nous invite à sa table et à la radio. Et la maison Dargaud lui fait triple signe en BD.
Encore une année passée dans le dur, comme on dit. Eh bien, comme il faut finir tout ce qu’on commence, je vous invite à faire de même pour les fêtes. En offrant et en lisant, dans leur totalité ou au détail (si c’est la totalité, on n’aura pas de mal à en garder pour l’année prochaine et même déborder sur les suivantes) les ouvrages qui ont célébré en 2023 le 120eme anniversaire de la mort de Georges Simenon, né le 13 février 1903. La souple et précieuse collection Omnibus, aux Presses de la Cité (1) était l’écrin tout trouvé pour cette réédition en douze volumes qui s’enrichissent chacun d’entretiens avec de fervents simenophiles réalisés par le scénariste et réalisateur Jacques Santamaria. Simenophiles: oui, même mon ordinateur me refuse ce mot mais un petit 49.3 arrangera le truc.
Au fil de ces conversations en forme de préfaces on retrouve donc, de 1931 à 1972 et dans l’ordre des publications Patrice Leconte, Eric Neuhoff, Laurent Heynemann, Jacques Fansten, Didier Decoin, Bernard Stora, Nathalie Serrault, Jean Becker, Serge Moati, Pierre Assouline, Cécile Maistre-Chabrol et Florence Moncorgé-Gabin. Cette (re)traversée d’un océan littéraire étant placée sous le signe de l’adaptation audiovisuelle, Santamaria était en pole-position pour en tenir la barre : il est l’auteur de neuf adaptations de ces « romans durs ». A signaler que Simenon est par ailleurs l’écrivain le plus adapté au grand et au petit écran.
Cette série, rappelle l’éditeur – soit 117 récits ! – est née en 1934 d’un divorce entre Simenon et…Simenon. Ce dernier était las, trois ans seulement après l’avoir créé, d’un personnage qui l’a depuis rendu célèbre, un certain Maigret. « Vous êtes fou, l’avait mis en garde la maison Fayard, vous allez vous casser le nez en essayant d’écrire autre chose que du roman policier ! » Rien n’y a fait. Et Georges, sa machine à écrire, sa pipe et son galure sont allés trouver refuge chez Gallimard pour explorer ce que le romancier nommait « le métier d’homme ». Soit l’homme dans sa vérité tragique et toute nue. Chaque roman le laissait proprement lessivé, « amaigri » et « déprimé ».
Les éditions de la Table Ronde participent à ce banquet de mots et rééditent dans leur collection de poche « La Petite Vermillon », les plats partagés à la table de Maigret, soupes et potages, entrées, poissons crustacés, suivis de fameux plats de résistance, du pintadeau en croûte, gigot à la bretonne ou tête de veau en tortue, le tout puisé dans le carnet de recettes de Madame (1).
De son côté, le scénariste de bande dessinée Jean-Louis Bocquet apparaît deux fois dans cet hommage. D’abord en mini format, sur son expérience radiophonique autour de Simenon sur la chaîne France Culture et ça ne manque ni d’humilité ni d’humour (2).
La seconde déploie les voiles de deux adaptations simenoniennes publiées chez Dargaud assorties d’un album en trois volets qui raconte le couple Simenon, soit Régine Renchon et Georges déclarés mari et femme le 24 mars 1923 (3). Notez la prédominance des années en 3 dans cette trajectoire. Au scénario, John Simenon, fils de Georges, Jean-Luc Fromental et, donc, José-Louis Bocquet. Jacques de Loustal illustre ce biopic. Les dessinateurs Christian Cailleaux et Bernard Yslaire sont de l’aventure pour les deux autres (3).
Entrez, entrez dans le dur de Simenon. Et puisque les fêtes battent leur plein, faites plaisir au passage aux simenophiles (ça y est le 49,3 est passé). Cette renaissance est un doux cadeau.
(1) « Simenon – Les romans durs », éditions Omnibus, chaque volume, entre près de 1000 et plus de 1200 pages chacun, de 31 à 32 €
(2) « Radio Simenon », de José-Louis Bocquet, éd. La Table Ronde, 45 pages, 7,60€
(3) “Le passager du Polarlys”, par José-Louis Bocquet et Christian Cailleaux, éd. Dargaud, 80 pages, 20,50€ /”La neige était sale”, par Jean-Luc Fromental et Bernard Yslaire, éd. Dargaud, 96pages, 22,50€ /”Simenon l’Ostrogoth”, par José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental, Jacques de Loustal, John Simenon, éd. Dargaud, 96 pages, 20,50€