TROIS PRIX D’EXCELLENCE

Le Breton Gérard le Gouic, mâtiné d’Afrique, et l’Américaine Laura Kasischke, du Michigan, ainsi que sa traductrice Sylvie Doizelet, ont été couronnés du très prestigieux Prix Alain Bosquet.

Quel point commun entre Anatole Bisk, né à Odessa, en Ukraine en 1919, et Alain Bosquet mort à Paris en 1998 ? C’est tout simple : ils sont la même personne. Ecrivain (prix Interallié en 1965 pour ‘La Confession mexicaine’), journaliste, éditeur et par-dessus tout poète, Bisk-Bosquet, naturalisé français en 1980, a notamment reçu le Prix Goncourt et le Grand Prix de poésie de la Société des Gens de Lettres. la maison Gallimard a publié la majeure partie de son œuvre dont la somme de ses poèmes (1945-1994) sous le titre aussi tranchant que malicieux « Je ne suis pas un poète d’eau douce ». Nonobstant l’avalanche de prix, donc, qui lui sont tombés dessus, il aurait manqué à cet homme courageux, engagé en 1942 contre les invasions barbares, celui qui porte désormais son nom. Et c’est sur le pont du navire de l’ex-rue Sébastien Bottin, rebaptisée rue Gaston Gallimard, qu’ont été remis le 7 décembre les prix qui lui rend hommage et que pilotent Isabelle Gallimard, capitaine de vaisseau aux éditions du Mercure de France.

Gérard Le Gouic. Photo Francesca Mantovani.
Gérard Le Gouic. Photo Francesca Mantovani.

Navires et vaisseaux appelant la mer et la mer la Bretagne, c’est, cette année, un Breton pur sel, Gérard le Gouic, digne représentant du Finistère – il habite Rosporden et a tenu, au retour d’une longue carrière en Afrique, une boutique de souvenirs à Quimper – qui l’a emporté. Le Gouic signe des “Exercices d’incroyance”, un habile et pur anti bréviaire poétique. Le mot prière n’en est jamais absent, au contraire. Mais c’est une prière qui s’écrit sur le vent. Et si elle s’efforce, avec une douce application de dentellière, de rester dans le chemin du respect, elle agit de l’intérieur comme pour mieux ronger, rogner et défaire. Une armée de non croyants devraient se rallier à cette entreprise de haute voltige où l’on voit que la délicatesse peut être une flèche terriblement incendiaire.

Laura Kasischke. Photo Francesca Mantovani
Laura Kasischke. Photo Francesca Mantovani

Dans un salon de réception austère et rond comme une chapelle sans reliques mais qui respire chaque strate de l’histoire de l’auguste maison (c’est amusant, au label  Gallimard s’ajuste toujours le vocable ‘auguste’), Laura Kasischke, romancière et poétesse américaine, originaire du Michigan, a également été célébrée pour « Où ont-ils maintenant », une « anthologie personnelle » couvrant neuf recueils. Kasischke infuse l’esprit de la poésie dans le cours simple des choses. C’est la chair du quotidien qui l’obsède, de ses imprévus, de ses choses vues, de ses multiples implosions. Il y a des poèmes comme des saynètes, des rêves frémissants qui se tiennent adossés qu’au réel, des regrets absolus et tout ce qui tourne dans les replis du vent qui nous enveloppe. Son univers est une observation minutieuse de la nature humaine en action.

Sylvie Doizelet au cours de la soirée
La traductrice Sylvie Doizelet (au centre)

On devra l’un des moments les plus précieux de la soirée à l’intervention de Sylvie Doizelet, Prix Alain Bosquet de la traduction, elle a longuement, et avec enthousiasme, rendu compte de l’aventure qu’a représenté cette entreprise. Et comment, si la prose anglosaxonne s’accommode sans difficultés ni lourdeurs d’un même mot plusieurs fois répété, il n’en est pas de même pour la langue française. Même solide pertinence autour du titre de cette anthologie. Aucun point d’interrogation à « Où sont-ils maintenant » ? Oui, affirmait-elle, car la force des mots n’aurait pu résister à une forme de banalité. Elle en aurait été dévastée. Ce qui, en toute humilité, m’a rappelé ces mots d’un de mes premiers rédacteurs en chef. « Pierre, vous n’avez droit, dans toute votre carrière, qu’à trois points d’exclamation. Et encore, c’est deux de trop. »

« Exercices d’incroyance », de Gérard le Gouic, éd. Gallimard, 70 pages, 12€

« Où sont-ils maintenant – Anthologie personnelle », de Laura Kasischke, traduit de l’anglais (Etats-Unis ») par Sylvie Doizelet, éd. Gallimard, 380 pages, 23,50€

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Commentaire

  • Jean-Yves Léopold

    9 janvier 2022 at 9h29
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    "une prière qui s’écrit sur le vent", c'est très beau : est-ce de Gérard Le Gouic ou de vous, Cher Pierre ?... J'aime beaucoup, en […] En savoir plus"une prière qui s’écrit sur le vent", c'est très beau : est-ce de Gérard Le Gouic ou de vous, Cher Pierre ?... J'aime beaucoup, en tous cas ! Sympa aussi le nom de votre blog : des minutes de lumière en plus... Belle année 2022 à vous, pleine d'heureuses trouvailles et de retrouvailles joyeuses ! Jean-Yves Read Less

    • Pierre Vavasseur
      to Jean-Yves Léopold

      9 janvier 2022 at 13h13
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      Bonjour Jean-Yves, il y avait longtemps! Heureux de vous re-lire! Contactons-nous sur Facebook. Le bon compte (qui fait les bons amis) est la photo où […] En savoir plusBonjour Jean-Yves, il y avait longtemps! Heureux de vous re-lire! Contactons-nous sur Facebook. Le bon compte (qui fait les bons amis) est la photo où un merle me parle à l'oreille. Read Less

    • Jean-Yves Léopold
      to Pierre Vavasseur

      10 janvier 2022 at 16h46
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      Hélas, je ne suis pas sur facebook, seulement sur twitter... Bien à vous, Jean-Yves.

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