Il n’est jamais trop tard pour bien faire. J’ai aimé ces auteurs en 2021. Mais le temps a débordé de la musette. Le peloton groupé et fourni de la rentrée d’hiver – 545 publications – est attendu dans trois jours mais il ne saurait effacer leurs ouvrages. Un bon livre est un bon livre. Voici, en un dernier volet, quelques lignes reconnaissantes sur eux. Ah oui ! Un détail…essentiel : si l’un des titres qui suivent vous tente, privilégiez les librairies !
Coeur de bourreau
Charles est amoureux de Marguerite. Il a sacrifié pour elle tous les avantages qui l’attendaient, à commencer par une solide fortune, et que lui offraient à la fois sa condition de noble et son glorieux comportement à la guerre. Mais c’est irrévocable, sa famille le renie, ses amis lui tournent le dos. Pourquoi une telle disgrâce ? Parce que nous sommes à la fin du XVIIe siècle et qu’à cette époque un noble n’épouse pas la fille d’un bourreau, laquelle ne peut elle-même convoler qu’avec un fils de bourreau et Charles est bien obligé d’apprendre le métier. Aller chercher le condamné dans sa geôle, le badigeonner de cire ardente, lui casser éventuellement méthodiquement les reins et les genoux, l’installer sur la roue… On ne se doute pas du boulot que c’est! Le tout sous les clameurs de la foule au spectacle, il faut avoir le cœur, quand on n’a pas la vocation, bien accroché.
Il faut saluer ce premier roman qu’est cette « Fleur de sang », thriller romantico-historique qui invite à effeuiller, comme la marguerite, un chapelet de ciels changeants où l’amour et la mort dansent jusqu’au bout un pas de deux du diable.
« Fleur de sang », de Emmanuel Robert-Espalieu, éd. Michel Lafon, 413 pages, 19,95€
Fiat Lus!
Au début on s’agace. On lâche l’affaire. Un style un peu appuyé dans le surfait vite-fait. Une écriture comme un cœur qui bat trop vite en ayant l’air de s’en foutre. Alors on stoppe. Et puis on reprend. Et on fait bien. Sur grand écran, aurait-on abandonné un film avec Sara Forestier version collégienne dans le rôle de Lucie, en panique parce qu’elle cherche mille euros pour sauver sa peau après qu’elle a voulu se faire justice d’une vidéo odieuse à son sujet ?
Non, évidemment. Nouveau venu dans l’espace littéraire, mais pas dans le journalisme de reportage où, à 26 ans, il fait des étincelles, Bruno Lus attrape à bras le corps celui de l’adolescence portée à tous les slaloms dans un monde qui s’en lave les mains. Ce roman vrai de génération fait le constat d’un vaste échec où notre société ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Mais Lucie, un nom qui appelle la lumière, est « une sauvage, une démerdarde de la pire espèce ». Pire ? Meilleure. On attend le film.
« Et même l’enfer, c’est pas grand-chose », de Bruno Lus, éd. Grasset, 219 pages, 19€
Fiat Lucie!
Les 2 Freds ? Quésaco ? Un tandem d’auteures qui s’appellent chacune Frédérique. L’une Le Romancer, l’autre Martin. Et ce Molotov? Cocktail ou shaker ? Il y aurait tout à craindre d’un peu trop de légèreté de ce mystère à la mie de pain en ces temps où la feel good littérature, deux mots qui ne vont pas forcément ensemble, s’emploie à occuper le terrain pour des raisons qui sont plus ou moins bonnes.
Le socle ? Pétronille, mère de famille et fée du logis, frôle le nervous breakdown, comme on dit chez les Tontons flingueurs, le jour ou Bruno, son mari, lui annonce tout à trac qu’il a invité des amis à dîner et qu’en plus de s’en dépatouiller, en passant commande par exemple, elle aura le temps de faire un saut chez l’esthéticienne. Il plaisante. Pas elle. La voilà partie. En voiture. La voici en panne. Au milieu de nulle part. Et voici dans son champ de vision, Jeanne, une vieille dame, qui en a elle aussi ras la casquette mais pour d’autres raisons.
Pour les amateurs de comédie sociale (oui, ça existe aussi), à glisser entre les mains de jeunes lecteurs au risque qu’ils en oublient leur portable, ce Molotov – on verra pourquoi ce titre – est habilement goupillé, plein d’une énergie tout à fait sympathique, pertinent sur la condition des âmes adolescentes en déroute et absolument généreux dans le registre de l’espoir sans jamais passer par la case ‘bons sentiments’.
« La méthode Molotov », de Les 2 Freds, éd. Michel Lafon, 33O pages, 17,95€