Dans “5 jours de la vie d’une femme”, son septième livre, Evelyne Dress aborde, au prisme d’Eva, divorcée et qui se retrouve seule la veille de Noël, la question de l’âge et de la libido féminine. Un récit en forme d’épicurienne et gouleyante comédie romantique.
Eva Felt est avocate. Mais elle préfère s’annoncer en qualité d’avocat. C’est sa façon très hétéro d’être féministe. Eva est jolie, féminine, aime chanter Aznavour ou écouter Elvis. Mais sous sa coiffure argentée qui ne supporte pas les coloriages, Eva ne sait pas, ou ne sait plus si elle plaît encore. Si des hommes plus jeunes qu’elle peuvent encore la désirer. Car cette femme de loi se sent soumise à la loi de son âge : soixante-dix ans qu’elle ne les fait pas. A peine si on lui accorde une grosse cinquantaine.
Eva est seule. Divorcée de Bruno avec qui elle a été heureuse, elle transporte sur son cœur le mouchoir froissé du bonheur perdu. Par-dessus le marché, sa fille est ingrate avec elle et sa petite fille vite exaspérée.
Incapable de passer Noël seule devant sa télévision, voilà l’oiselle, qui ne roule pourtant pas sur l’or, envolée vers Biarritz. Les coups de tête s’accordent bien aux coups d’ailes. Elle a réservé une chambre au prestigieux Hôtel du Palais. Fiat luxe. Dépenser pour ne plus penser.
Et puisqu’elle est convaincue que les plaisirs de la chair ne sont plus pour elle, cette « fine asperge », telle qu’elle se décrit, se rattrapera sur la bonne chère. Car sa bouche sans baisers n’en est pas moins un bec fin. N’empêche : et le sexe ? Bordel ! Dépenser n’empêche pas d’y penser. Las ! Ce n’est pas en cette nuit de fête que le Père Noël paraît enclin à se manifester. Il y a bien ce voisin de table qui lui manifeste toute son attention mais il est lui aussi blanchi sous le harnais. Eva lui préfèrerait largement ce beau masseur à la trentaine conquérante nommé Salim. Lorsqu’il applique ses mains sur le bas de son dos, sa libido en est toute décoiffée.
Comédienne, propulsée en 1979 au royaume des films-culte avec le succès du film de Patrick Schulmann «Et la tendresse ? Bordel ! » (oui, il y avait une raison à ce que vous avez lu avant), réalisatrice (« Pas d’amour sans amour »), Evelyne Dress (que l’on retrouvera également dans ces colonnes en rubrique Cueillette) se consacre donc désormais à l’écriture. Et nombre de pages de ses sept ouvrages s’inspirent, quelles qu’en soient les variations, de sa propre trajectoire. De sorte que si Evelyne n’est pas avocat, Eva n’est pas que pure invention. Sur la couverture, le mot roman brille ainsi par son absence, à l’inverse d’une bague de valeur que l’auteure passe au doigt de son récit.
On l’a laissé entendre au début de ce papier, Dress est une épicurienne. Et « 5 jours de la vie d’une femme”, qui compte une sixième journée en bonus et s’offre un final fébrile de pure comédie romantique, prend au passage le temps de baguenauder de Biarritz à Bilbao, invite à quelques visites guidées, se nourrit ici et là de l’histoire locale et goûte à la gastronomie. C’est son petit côté « Echappées belles » sur France 5. On l’a compris, ce livre, qui vaut en ce moment à son auteure un tour de France des salons littéraires (prochaine étape le salon du Livre de Saint-Louis, en Alsace, du 13 au 15 mai prochain), réenchante avec grâce un sujet qui tourmente en sourdine bien des femmes. Et si ce livre était un best-seller, ce qu’on lui souhaite, on pourra même écrire: qui tourmentait.
« 5 jours de la vie d’une femme », de Evelyne Dress, éd. Glyphe, 150 pages, 15€