C’est San Jordi, c’est librairies (indépendantes)!

Depuis 27 ans, la fête de la San Jordi est aussi, dans toute la France mais aussi en Belgique et en Suisse francophone, celle des librairies indépendantes. Elle est habitée cette année par ls fantômes. Pour tout achat d’un volume, les clients repartiront avec une rose et une pochette pleine d’esprit(s).

J’ai toujours pensé que les fantômes existaient autant que nous (et, qui sait, nous peut-être moins qu’eux) et que leur chair invisible, celle des disparus, était le vent qui se lève lorsqu’ils sortent en bande. Des choses comme ça, plus ou moins douces, malicieuses, effleurantes. Il faut bien que l’absence exulte. Or, où croiser des fantômes ailleurs qu’entre de vieux murs rassis aux portes grinçantes et aux parquets craquants ? (*) Pardieu ! Mais dans la vie littéraire qui sème derrière elle depuis le jour des temps (ça suffit les clichés) des admirations que les lecteurs vivants transforment en sensibles pèlerinages. Prenez la maison de la famille Rimbaud par exemple, à Charleville-Mézières.

Marie-Rose Guarnieri, fondatrice de l’association Verbes et Victor Hugo concentré

Il n’y a pas grand chose à y voir. En revanche, y toucher les poignées de portes ou d’armoires, ça c’est de la rencontre, de la transportation! Car le brave Arthur, notre main à couper, y avait forcément posé les siennes. Le temps humain est fait de ces raccourcis et cette sensation à chaque fois renouvelée, intacte et inusable. Nos chers fantômes sont là, à nos côtés, tandis que nous les invitons à notre tour en nos coeurs, comme en nos chambre adolescentes, guettant du coin de l’œil leur émotion à découvrir les posters qui les n’ont jamais été décrochés et qui les représentent.

La pianiste Katia Weimann et Anne Alvaro revenues des ombres

Le mot fantôme, nous apprend Antoine Gallimard à l’occasion de la 27eme édition de la Fête de la Librairie indépendante qui se déroule toute cette journée en France, en Belgique et en Suisse, est intimement lié à l’univers des bibliothécaires et des archivistes. « Il désigne cette fiche, placée dans les rayonnages d’une bibliothèque ou au sein d’une liasse de documents, signalant qu’un ouvrage ou un feuillet en a été extrait, à fin de consultation, d’emprunt ou de restauration …) Aussi une bibliothèque peuplée de fantômes n’est-elle pas nécessairement un château hanté, mais bien un lieu fréquenté par des lecteurs, appliqués à leur tâche ! Le nombre de fantômes comme mesure d’audience : joli paradoxe ! »

La pochette mystère offerte avec…

On doit cette festive célébration des librairies indépendantes à l’association Verbes, fondée par Marie-Rose Guarnieri. L’âme hyperactive de la librairie des Abbesses (**) a rassemblé autour de cette initiative nombre de soutiens, de la Région Ile-de-France aux éditions Gallimard, qui imprime chaque année les quelques 26 000 exemplaires du livre cadeau, en passant notamment par le Centre National du Livre, le Printemps des Poètes, Livres Hebdo, les éditions Actes-Sud et Thierry Magnier… Se battre pour la pérennité de la « revenance littéraire » s’inscrit dans un contexte d’autant plus fébrile que la constellation des libraires indépendants et, dit de manière plus appropriée, tout leur spectre, fait face à un recul de la lecture dûment constaté lors de la récente cérémonie de remise des Trophées Livres Hebdo de l’Edition par Régine Hatchondo, Présidente du Centre national du livre. L’indéprndance a plus que jamais besoin de soutenance. Aux livres, citoyens!

…une rose

Pour lancer cette 27eme édition et sa fantômatique thématique, un lieu s’imposait : le musée Victor Hugo, place des Vosges, dans les appartements brossés de pourpre du grand homme, lequel sacrifiait à la grande mode du XIXeme siècle : faire tourner les tables. Accompagnée de la pianiste Katia Weimann, au toucher de libellule, la comédienne Alvaro, voix et diction délicatement matinée d’au-delà, a guidé le public là-même où les livres nous emmènent: des ombres qui nous traversent vers la lumière.

(*) L’inverse vaut aussi

(**) 30, rue Yvonne Le Tac, 75018 Paris

Merci au fantôme qui a traversé devant moi pour me fournir la photo d’ouverture.

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