Premier salon littéraire de la rentrée, d’envergure nationale, « Le Livre sur la place », présidé cette année par le sociologue Edgar Morin, accueille à Nancy jusqu’à dimanche soir près de deux cents auteur(e)s parmi lesquels les figures de proue de la rentrée. Il est gratuit et au-delà des incontournables dédicaces, déploie un large éventail de propositions de rencontres plus variées les unes que les autres.
Les amoureux de la dictée détestent Nancy à cause de Stanislas Leszczynski. Il est tellement vite fait, par un bref instant d’inattention, de zapper l’un des deux z, ou de snober le c qu’ils encadrent comme deux policiers un repris de justice. Mais les amoureux de la dictée le sont aussi de la littérature et à chaque rentrée, ils sont nombreux à se précipiter dans la cité de celui qui fut deux fois roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar (1677-1766), par ailleurs arrière-grand-père de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X. Ce garçon ne s’est vraiment rien refusé. C’est qu’il s’y tient le premier des trois principaux salons du livre de France, avec en novembre celui de Brive-la-Gaillarde et, au printemps prochain, le Festival, puisque c’est ainsi qu’il tient désormais à se faire appeler, du Livre de Paris.
Celui de Nancy se nomme « Le Livre sur le Place « : attention, non pas la place Stanislas, surveillée en son centre par la statue de Stan et inscrite comme l’ensemble du site au Patrimoine mondial de l’Unesco, mais sa voisine, la place de la Carrière. On y pratiquait les tournois de joute. Elle est de haute compagnie : d’un côté la Cour d’Appel et le Tribunal administratif, de l’autre le Palais du Gouvernement. Entre les deux, de longues tentes blanches abritent les dédicaces, certains prix qu’on y remet et les rencontres qui s’y succèdent. Pas toutes. Le salon essaime aussi dans tous les coins de la ville, via des animations aux formes plus diverses les unes que les autres. Consultez le programme, il est copieux très bien fait.
Piloté depuis maintenant trois ans par Sarah Polacci, sa commissaire générale, « Le Livre sur la place » est gratuit. Il est âgé de 46 ans. Le sociologue Edgar Morin, qui préside cette édition, en a 103. Par tradition, et aussi parce qu’il a été fondé avec le soutien de leur académie, les Goncourt y sont chez eux. Particulièrement Philippe Claudel qui a succédé à Bernard Pivot à leur présidence puisqu’il est né dans les parages, à Dombasle-sur-Meurthe. Certains de ses membres s’y rendent chaque année quand ce n’est pas tous ensemble pour annoncer les heureux élus de leur deuxième liste. Disparu en 2011, François Nourissier, qui fut leur secrétaire général et avait des ascendances lorraines, vantait de cette ville « son héritage de pierre, de séduction et de grandeur ». C’est à Nancy, enfin, lors du salon, qu’est remis le Goncourt Edmonde Charles Roux de la biographie.
L’entrée est gratuite. On attend près de deux cents auteurs et bien évidemment les visages les plus en vue de la rentrée. Mais chaque auteure, chaque auteur (oui, je n’arrive toujours pas à me faire à ce mot d’autrice et j’organiserai un jour une table ronde pour redire pourquoi) moins médiatisé(e) que les figures de proue, compte tout autant qu’elles. « Le Livre sur la place » s’emploie d’ailleurs activement à le faire savoir puisqu’un jury, mécéné par Groupama et conduit cette année par Valérie Perrin, se consacre à la lecture des premiers romans – soixante-huit en 2024 – pour y distinguer un lauréat.
A noter qu’un très grand absent sera très grandement présent. Bernard Pivot, qui nous a quittés le 6 mai 2024 et présida le salon en 2005, y fera l’objet d’un bouquet d’hommages dans les lieux les plus variés et parfois les plus inattendus. De tout cela, écrit Sarah Polacci, « je ne doute pas qu’il restera des souvenirs. Et par temps d’orage, les mots des auteurs vous reviendront et vous sauveront peut-être de votre solitude. »
Impossible en tout cas d’être seul ces trois jours à Nancy. L’affluence est garantie.