La nouvelle année s’annonce avec d’autres réjouissances et d’autres présents entre amis. Pour la commencer en beauté et tandis que le temps nous feuillette, voici une sélection de beaux livres tous, tant par la forme que leur contenu, irrésistiblement séduisants.
Au bal des actrices
« Ce sont les actrices qui ont fait le cinéma français » déclare Dominique Besnehard dans sa préface au premier tome de cette rétrospective consacrée aux visages féminins du 7eme art. De Anouk Aimée à Marina Vlady, en passant par Annie Girardot ou Bulle Ogier, voici, avec, illustré des remarquables photographies de Sam Lévin, trente premiers portraits parfois enrichis d’un entretien réalisé par l’auteur, écrivain, conférencier et « cinéphile enragé ».
« Nos actrices françaises », de Jean-Michel Parker, préface de Dominique Besnehard. Photographies de Sam Lévin, éd Herscher, 908 pages, 45€
Loti bien loti
Les grands classiques méritent toujours de nouveaux beaux habits. Voici, dans une collection. Après un Proust illustré, voici, dans une collection présentée sous couverture toilée et protégée par une très jolie jaquette signée Lucie Clément le fameux « Pêcheur d’Islande » de Pierre Loti, préfacé par Didier Decoin. Le président de l’académie Goncourt y décrypte les raisons pour lesquelles le roman n’a pas fait l’unanimité dans l’univers des marins.
« Pêcheur d’Islande », de Pierre Loti, préface de Didier Decoin, de l’académie Goncourt, éd. Calmann-Lévy, 188 pages, 29€
Bussi balnéaire
Parue en 2018 aux éditions Pocket, cette nouvelle de Michel Bussi réveille la mémoire de Mademoiselle Anaïs (1802-1871). Actrice de la Comédie Française, la jeune femme était venue cicatriser une blessure dans ce qui était à l’époque un village de pêcheurs de la Côte d’Albâtre, en Normandie. Voilà que dans les années 2000, Ariane et sa petite fille de trois ans, emménagent dans sa maison… Quelle fabuleuse idée des éditions Hervé Chopin, de donner immédiatement envie, par cet album illustré de photos et de gravures qui mêlent hier et aujourd’hui, de filer sur les traces d’Anaïs.
« Anaïs-Le secret de Veules-les-Roses », de Michel Bussi, éditions Hervé Chopin, 154 pages, 21,90€
C’est beau le bruit d’une ville
Les villes ont leur couleur, les villes ont leur odeur, les villes ont leur mouvement et les villes ont leur bruit propre. Grande et sensuelle idée d’Amanda Sthers d’envelopper de ses mots la rumeur attachée aux cités du monde, métropoles ou moins show off. Toutes ont leur poésie sonore. Toutes, sur les soixante-quinze ici visitées, sauf une : Las Vegas. Le trait, à la pointe de la plume, aérien et minutieux, de Pauline Lévêque, lui fait exactement écho.
« Le bruit des villes », de Amanda Sthers, illustrations de Pauline Lévêque, éd. Herscher, 106 pages, 20€
Son Amérique à lui
Le photographe Alain Dister s’est découvert très vite une très grande sœur : l’Amérique. Il l’a tenue à l’oeil cinquante ans durant en vagabond chasseur-cueilleur, avec un point de vue que François Busnel résume parfaitement dans sa préface : « Ne comptez pas sur Dister pour assurer la promo de l’Amérique triomphante. (…) Ce qu’(il) capte comme nul autre, ce sont les marges. Quelques tournants de l’Amérique contemporaine, aussi. » Vous n’avez pas fini de refaire le voyage.
« En Amérique – 50 ans de photographie », de Alain Dister, préface de François Busnel, éd. Albin Michel, 316 pages, 39€
Deyrolle ramène sa science
Besoin de retrouver les planches de votre enfance (pour une certaine génération) même si vous n’y êtes jamais monté ? Bienvenue dans le musée scolaire de la maison Deyrolle que les amateurs de naturalisme connaissent bien à Paris. Mais ici, il s’agit dans six domaines – zoologie, entomologie, monde marin, botanique, géographie, leçons de choses – des planches pédagogiques. : « un langage fondé sur le dessin, écrit Louis-Albert de Broglie, désormais propriétaire de Deyrolle, restituant par la précision scientifique l’émotion de la beauté de ce qui est. »
« Deyrolle – Nature, art, éducation » – Leçons de choses et autres curiosités naturelles », de Louis Albert de Broglie, éd. Michel Lafon, 190 pages, 29,90€
Leur tour du monde à plein régime
Ensemble, ils n’ont jamais su ce que c’était que la vie sans selle. L’écrivain Sylvain Tesson et le photographe Thomas Goisque, par ailleurs peintre de la marine, ont fait à moto, au fil des ans et en échappée libre et avec divers compagnons d’équipée , le tour de la planète. Voulez-vous refaire la route avec eux : alors, en direction l’Inde, la Russie, la Finlande, le Bhoutan, la Mongolie, la Sibérie, la Chine, la Serbie, le Chili, l’Asie centrale, le Népal, Madagascar et l’Asie du sud-est. Il manque Créteil Soleil mais ce sera pour une autre fois.
« En avant, calme et fou – Une esthétique de la bécane », de Sylvain Tesson, photographies de Thomas Goisque, éd. Albin Michel, 304 pages, 35€
Le grand spectacle de L’Illustration
En 1843 et jusqu’en 1944 parut en France chaque semaine « L’Illustration » et son slogan : « Le plus grand journal de l’époque ». Tout en dessins somptueux peu à peu enrichi de photographies, le tout représentant un travail de dingue compte tenu du caractère hebdomadaire de l’entreprise, cette publication navigua à la godille entre les idéologies, d’abord républicaines puis beaucoup moins sympathiques qui finirent par lui valoir son interdiction. Reste que, sur l’évolution de la société dans tous les domaines, c’est fascinant à lire. Plaisir redoublé avec le style des articles, souvent rédigés comme des petites nouvelles.
« La Belle époque telle que les Français l’ont vécue » et « L’aviation – 1840-1940 », éd. Michel Lafon, chaque volume : 39,95€
Un déploiement d’impressionnistes
Les impressionnistes étaient tous plus libres les uns que les autres : voilà qu’ils se font coffrer chez Hazan en un ouvrage qui nous joue, sur une partition d’accordéon, la petite et grande musique de couleurs. En tout cinquante-cinq œuvres majeures. Ludique et impressionnant.
Coffret « L’impressionnisme – L’essentiel », éd. Hazan, 35€
Maupassant, bel ami de la province
Les fans de Henry René Albert Guy de Maupassant (1850-1893), écrivain prolifique pendant dix ans en dépit d’une courte existence, retrouveront ici ses qualités de portraitiste ultrasensible de la France de province (époque bénie où l’on ne parlait pas de « territoires ». Sont en effet réunis dans un ouvrage qui pèse son poids, très délicatement illustré et présenté sous coffret, ces « Contes et nouvelles du pays de France ». L’universitaire et éditeur Claude Aziza en signe la préface et, à la fin du volume, en une petite trentaine d’entrées, un « dictionnaire » constitué des thématiques sur les aspects de la société d’alors qui ont nourri l’œuvre de l’auteur de « Bel Ami ».
Coffret Guy de Maupassant – Contes et nouvelles du pays de France », éd. Omnibus, 893 pages, 45€
Très chic, cette Nana
Cent quarante ans après sa publication, en 1882, chez Flammarion, une maison qui comptait alors sept petites années d’existence, revoici « Nana », d’Emile Zola, telle que les lecteurs purent la découvrir agrémentée (le mot est faible) des dessins et gravures commandés par l’éditeurs aux meilleurs illustrateurs de l’époque à commencer par le peintre, caricaturiste et chansonnier André Gill qui laissa son nom au cabaret de Montmartre le Lapin Agile (« Là, peint A. Gill »). Ce fac-similé à tirage limité, relié en cuir et doré sur tranche, est un pur trésor pour bibliophiles quoiqu’un peu fortunés. Mais combien d’amoureux se se sont-ils ruinés pour cette Nana-là ?
« Nana », de Emile Zola, éd. Flammarion, 456 pages, 190€
Eluard si Léger
S’il y a du lourd, au plein sens du terme, dans cette sélection, on y croise aussi du très léger : léger comme une caresse, comme la brise des éternelles beautés, et comme le nom de Fernand. Ainsi, dans cette période qui est la nôtre, menacée de tant de mauvais réflexes et de colères empoisonnées, les éditions Seghers développant une collection qui livre dans un étui le fac-similé d’une œuvre poétique illustrée par un peintre, se sont dépêchées de choisir, pour leur nouvelle livraison, le célébrissime poème de Paul Eluard, « Liberté j’écris ton nom », de Paul Eluard. L’espoir y est tout en couleurs.
« Liberté j’écris ton nom », Paul Eluard, Fernand Léger, éd. Seghers, 38€
Régis Franc à la ferme
On n’avait pas oublié Régis Franc, comment égarer dans sa mémoire, lorsqu’on aime la bande dessinée, l’auteur du « Café de la Plage », mais on ne savait guère où il était passé. Le voilà retrouvé dans un délicieux ouvrage qui réunit son art à facettes du dessin et du récit. « Ce rat des villes » tel qu’il se définit lui-même, était occupé à battre la campagne, celle du Gâtinais, où sa compagne Valentine a pris le relais des deux générations précédentes à la tête de la ferme de Montaquoy où l’on ne pratique pas franchement l’agriculture intensive. C’est pour redérouler le fil de l’histoire du bâtiment à partir de la figure d’Etienne Loste, maire du petit village libéré non sans drames – sa mort comprise – par les soldats américains, que Franc s’est décidé à revenir au dessin. Et de raconter, tantôt au crayon noir, tantôt au pastel ou à la sanguine, avec beaucoup de photos, cette aventure rurale ensoleillée dans ses reflets de blé et de miel.
« La Ferme de Montaquoy » – Qui court la campagne trouve le chemin », de Régis Franc, éd. La Cité Graphique, 25€
Sempé, Stars and Stripes
Le 11 août dernier disparaissait Jean-Jacques Sempé à l’âge de 89 ans. Voilà un album grand format où on le voit monter au ciel, du haut, en tout cas, des buildings d’une Amérique qui l’a toujours fasciné et qui lui a bien rendu son admiration. Le très distingué New-Yorker l’a embauché dès 1978. Il a réalisé pour la revue des couvertures hautement collectors. Le New-York Times et le Times lui ont aussi confié leur publicité. Cet album dit bien la fébrilité d’un univers qu’a capté avec une vraie jouissance le dessinateur du Petit Nicolas. Il est enrichi par quelques textes de journalistes et d’écrivains quand il ne s’agit pas des deux ensemble tel Philippe Labro.
« Sempé en Amérique », éd. Denoël / Martine Gossieaux, 38€