Avec « Sur les toits », qui se déroule à Marseille pendant la seconde guerre mondiale, Frédéric Verger réussit le pari d’un roman de grande aventure, enchanté et grave.
Nous sommes à Marseille, en 1942. Entre ciel et terre, dans le quartier du Panier, une bande de casse-cou, anges turbulents, facétieux, trompent la mort à ciel ouvert en sautant de toit en toit. Libres et chapardeurs, ils vivent de l’air du temps et ne se posent sur la terre ferme que pour se ravitailler.
Mais « Sur les toits », troisième récit de Frédéric Verger, révélé en 2014 avec « Arden », couronné du Goncourt du premier roman, est aussi l’histoire d’un adolescent, le narrateur, et de sa petite soeur Liola, flanqués de leur chardonneret, réfugiés dans le nid précaire d’une soupente, dans l’espoir de retrouver un leur mère, Helen, chanteuse anglaise. C’est elle qui les a enjoints de vivre en hauteur pour échapper aux rafles.
La joyeuse bande de funambules les a pris sous son aile et c’est en leur compagnie que Liola et son grand frère vont passer deux années. De quoi les élever au-dessus d’eux-mêmes et faire des rencontres enchantées : un champion de billard crépusculaire, une comédienne solaire, un diacre philosophe, une pianiste lunaire, un poète anglophone et tout un peuple d’acrobates clandestins qui font du hasard un destin. Pris dans un tourbillon de menaces et de bonheurs, traqués par un policier, ils font l’apprentissage de la liberté, de la solidarité, de la peur, de l’amour, de la mort.
Composé comme un feuilleton, « Sur les toits » a sa place parmi les grands romans d’aventure. Aussi humain et précis que Charles Dickens, aussi fantasque qu’Italo Calvino, ce livre transforme le lecteur en spectateur. C’est à un spectacle vivant qu’il assiste. Chez Verger, rien d’un minimalisme sec et parcimonieux mais bien au contraire, ce véritable cadeau d’un roman baroque, ornementé, élégant, généreux et poignant.
Jean-Michel Ulmann
Sur les toits. Frédéric Verger. Ed. Gallimard, 388p, 21€