Il n’est jamais trop tard pour bien faire. J’ai aimé ces auteurs en 2021. Mais le temps a débordé de la musette. Le peloton groupé et fourni de la rentrée d’hiver – 545 publications – est attendu dans trois jours mais il ne saurait effacer leurs ouvrages. Un bon livre est un bon livre. Voici, en trois volets, quelques lignes reconnaissantes sur eux. Ah oui ! Un détail…essentiel : si l’un des titres qui suivent vous tente, privilégiez les librairies !
Vers la délivrance
Isabelle Lenouvel se cache derrière le succès sur les planches de « 88 fois l’infini », qui a réuni François Berléand et Niels Arestrup. Mais l’actrice, dramaturge, réalisatrice à ses heures, est désormais aussi romancière. C’est en effet la forme qu’elle a choisi pour raconter l’histoire de « La femme qui n’aimait plus les hommes » et sa plume porte ici le fer là où tant de femmes se retrouvent victimes d’un mâle qu’elles n’avaient pas vu venir. Docteur Jekyll et mister Hyde, etc. C’est le cas de Jeanne, qui tremble de terreur à l’idée d’annoncer à Gabriel, son époux, ce qu’il ne veut surtout pas entendre. Récit écrit à coups de lames, ce livre aux accents électriques fait songer aux numéros de saltimbanques qui se débarrassent de leurs chaînes. Sauf que là, il n’y a pas de trucage. Les mots aussi sont rudes, à la hauteur des coups portés. Cet exercice d’écriture laisse, et ce n’est pas un vain mot, pantelant. Et les « notes » finales, portent un crochet suprême au plexus. Mais la délivrance est là.
« La femme qui n’aimait plus les hommes », de Isabelle Lenouvel, éd. Michel Lafon, 201 pages, 17,95€
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Magellan à pas de géante
L’imaginaire de Murielle Magellan, par ailleurs dramaturge, résiste à tous les paris romanesques. Le voilà cousin de la folie des grandeurs au prisme de l’acadabrantesque aventure vécue par Laura Delabre. Sa vie jusqu’alors paisible, dans le Bordelais, qui fait une jolie place aux livres, à l’amour du Japon et à son mari Paul, peintre en bâtiment, se retrouve tout à coup bien secouée par une proposition de la médiathèque locale. Le grand critique parisien chargé d’animer un débat avec l’écrivain nippon Takumi Kondo, est dans l’impossibilité d’assurer sa mission. Laura saurait-elle le remplacer ?
Et voilà comment, de fil en aiguille et de bouche à oreille, la modératrice improvisée commence à faire parler d’elle sans modération. Sauf que si sa réputation a grandi, son corps aussi. Le phénomène s’explique même scientifiquement : variante orpheline de l’acromégalie, dérivé du gigantisme… Alternant le cours de son roman avec celui de son journal intime, Magellan tisse une mécanique habilement huilée où parmi tous les personnages, et tandis que la géante se réfugie dans la lecture « pour ne pas penser », il en est un qui grandit tout au long du récit : l’amour pour la littérature, ses jeux de miroirs, ses triples saltos et ses apaisements. Et l’art qu’ont les femmes à savoir avancer, face aux hommes, à pas de géantes.
« Géantes », de Murielle Magellan, éd. Mialet-Barrault, 286 pages,19€
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Une femme puissante
Journaliste de cinéma au quotidien Sud-Ouest et voix à la pertinence tempérée de l’équipe du « Masque et la plume », l’émission dominicale de Jérôme Garcin sur France Inter, Sophie Avon est également une romancière qui compte dans le paysage littéraire. Et à chaque fois un peu plus, comme avec ce nouveau roman, portrait de sa grand-mère au prénom merveilleux, Mime, amoureuse, âme heureuse aux côtés de Marius et de leurs quatre enfants. Jusqu’au jour où ce bonheur sans faille se mue en gouffre de tristesse lorsque meurt sa petite Simone à cinq ans. C’est autour de l’Algérie mordorée de la première moitié du XXème siècle que s’enroule cette trajectoire où le remède aux métastases de la fatalité est d’avancer, encore et toujours. Et malgré la brièveté de son existence, de laisser le silence d’une étoile qui ne fut pas filante.
« Une femme remarquable », de Sophie Avon, éd. Mercure de France, 273 pages, 20,50€