Cueillette propose un extrait d’un livre que nous aimons et qui vient de paraître.
Il se nomme Simon Lhumain, ce qui est fort approprié à son métier de psychanalyste et d’ailleurs très efficace pour aimanter les patients. Son cabinet est situé dans le 9eme arrondissement de Paris. Simon aime son métier mais aussi l’océan et l’île qui fut dans l’enfance sa meilleure amie. Et Louise. Or il ne s’y prend en amour que très moyennement bien. Chez Simon, il y a une mélancolie qui ronge tout, même ce qui semble prometteur, même le beau visage des femmes qui lui portent attention, Mathilde, par exemple, ou Lucie F., réapparue par le jeu du hasard. Lucie, son ancienne patiente qui s’exprimait si peu sur son divan. Et qui prend le même avion que lui car Simon l’a décidé. Il s’envole pour le Japon. Loin de tout pour se rapprocher de lui-même, là-bas, dans la maison qui l’attend chez Monsieur et Madame Itô. Tout cela parce qu’un bol qu’il aimait s’est échappé de ses mains, brisé en deux parties légèrement inégales…
Née en Algérie, Jeanne Benameur est l’auteure d’une œuvre conséquente qui marie la prose – romans, nouvelles, théâtre, récits pour la jeunesse – et la poésie. Parmi de nombreuses distinctions, elle a reçu en 2013 le prix RTL/Lire pour « Profanes ». En poésie, elle vient de publier « Le pas d’Isis » aux éditions Bruno Doucey. « La patience des traces » s’impose d’ores et déjà comme l’un des romans les plus troublants, les plus profonds, les plus envoûtants sur nos intimes solitudes. Et d’une délicatesse infinie.
« Toute sa vie passée à écouter les autres. Il n’écoute plus personne. Il y a là une paix profonde et une tristesse. Aussi profonde l’une que l’autre. Il vient de déposer l’habit. Pas défroqué, non, parce que sur sa route il n’y a ni dieu ni vœu éternel. Il s’éloigne simplement et il se sent de plus en plus nu. Parfois une question le saisit. Ecouter et parler n’est-ce pas ce qui rend plus humain chaque être ? Est-ce qu’il n’est pas en train de trop s’éloigner ? »
« La patience des traces », de Jeanne Benameur, éd. Actes Sud, 196 pages, 19,50€