Mythique parmi les mythiques, la revue fondée en 1977 par Nicole Wisniak, et qui repasse tous les deux ans comme une comète dans nos imaginaires, publie son 19eme numéro. Petit quizz luxueusement amoureux.
Qu’est-ce-qui est forcément mieux que le Who’s Who, si démodé, à l’exact carrefour de l’annuaire des Postes disparu et le subclaquant Gaffiot ?
Qu’est-ce-qui vaut un peu d’éternité, à défaut de postérité ? La postérité commence à frôler le surfait. L’arnaque existentielle. La prière dévitalisée. Seule l’essence avait raison.
Qu’est-ce-qui freine le temps en le rendant au noir et blanc ?
Qu’est qui est capable de faire croire à une revue alors qu’il s’agit d’un portfolio sur grand écran ?
Qu’est-ce-qui est capable de faire croire à un portfolio alors qu’il s’agit d’une revue sur grand écran ?
Qu’est-ce-qui a l’audace de prendre son temps dans cette vulgarité absolue de la vitesse? Dix-neuf numéros depuis 1977 !
Qu’est-ce-qui ne rentre pas dans la boîte aux lettres ?
Qu’est-ce-qui est inventif, profond, charnel, poétique, sexyssime, modissime et nous dit qu’il faut bien, quelques fois dans sa vie, vivre ultra-luxueusement sinon à quoi bon ?
Qu’est-ce-qui imprime sur la rétine une poésie farouche, donne un flou vivant à la beauté (et qui a dit, déjà, que la beauté participait à réparer le monde) ?
Qu’est-ce-qui publie, sous la danseuse plume de Marc Lambron, un portrait d’abord moqueur puis beaucoup moins, de Greta Thunberg (« on n’avait encore jamais vu un prophète biblique s’incarner dans le corps de Fifi Brindacier ») laquelle apparait conquérante sur une côte possiblement suédoise, en baskets, jean et veste de jogging aux manches trop longues, sous l’objectif d’Evgenila Arbugaeva ?
Qui clôt ses conseils de savoir-vivre par cette formule qui ferait sourire Oscar Wilde : « Sur votre lit de mort, gardez la pose. » ?
Qu’est-ce-qui, en couverture, nous rend tout à coup à la loi de Carla Bruni, parfois agaçante, si, si, sinon les sublimes photos de Paolo Roversi ?
Quel beau gosse incandescent et plein de ronces autour du cœur, imaginant sa mort, menacé par un tueur à gages commandité par une femme qu’il aima et qui lui perce d’une balle l’estomac, écrit dans la séquence Littérature : « Décidément, je commençais à être las de te reproduire avec d’autres, en moins bien. »
Qu’est-ce-qui nous rend égoïste, ce qui n’a rien d’un vilain défaut ?
Il y a cette formule : « un égoïste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi. »
C’est amusant : « <Egoïste » pense à nous et nous fait survivre un peu plus, un peu mieux, par-dessus le temps des jours.
« Egoïste », n°19, 120 pages, 20€. Directrice : Nicole Wisniak. Directrice artistique : Eléonore Thérond. Stylisme : Martine de Menthon. Scénographe : Jean-Hugues de Chatillon