Alizé l’emporte sur toute la ligne

La jeune championne de tennis ne brille pas que sur les courts. Elle sait aussi faire long sur le papier et signe « La valse des jours », hommage aux trajectoires des figures féminines de sa famille.

Bon, le rêve a tourné court et Alizé Cornet, qui avait créé l’événement samedi en huitièmes de finale, à Wimbledon, en battant l’ultra-favorite polonaise Iga Swiatek, en a en revanche bavé des ovales de raquette lundi avant de s’incliner devant l’Australienne Ajla Tomljanovic.  N’empêche, félicitons-la à la juste mesure de son exploit et consolons-la en signalant à ses fans que la Niçoise sait aussi monter à un autre filet : celui des libraires. Après « Sans compromis », carnet de bord autobiographique, paru en 2020 aux éditions Amphora, elle publie à 32 ans chez Flammarion « La valse des jours » soit, à partir de 1964, la trajectoire de sa grand-mère, Hélène, de Jeanne, sa maman, et de sa tante Mouna. Il y a d’autres figures féminines bien sûr, qui s’appellent Viviane, qui s’appellent Annie, et aussi des hommes : Albert, son grand-père, marqué d’une encre peu sympathique, celle de la guerre d’Algérie, et qui se révéla fragile face à l’alcool ; Pierre, le frère de Jeanne ; le Père Charrin, du Lazaret ; David, juif, qui réussit à tromper le destin qui l’envoyait à la mort ; Louis, l’amoureux d’Hélène… Mais, et le bandeau de couverture le rappelle clairement, cette valse est d’abord et avant tout « une saga familiale en hommage aux femmes de ma vie ». Lesquelles, si elles ont eu leur compte de revers, n’en ont pas moins conservé une force intacte d’espoir et de vie. J’ai lu toute une matinée ce récit écrit sans volonté d’esbroufe mais au contraire avec une grâce naturelle d’écriture qui met sans effort en relief chacun des personnages. Et, à une exception près, qui ne cesse jamais de les défendre et de les aimer.

En matière de premier roman vrai, il n’y a pas match : celui-ci est fortement à conseiller. Alizé a hérité de l’amour des livres et de la poésie qui animait Jeanne. Il parlera à tant de lectrices et lecteurs… « La valse des jours » appartient à cette caste pas si répandue de livres-compagnons, pas faits pour ne durer qu’un été mais au-delà des saisons.

Couverture de La valse des jours

« Assieds-toi, Jeanne. »

Louis fut le premier à prendra la parole. « Assieds-toi, Jeanne. »

Elle s’exécuta, non sans avoir glissé discrètement les billets au fond de sa poche.

« Demain, tu vas faire ton premier jour à ton nouveau travail, lui annonça-t-il d’une voix d’automate. Nous en avons parlé tous les trois et nous sommes convenus que c’était la bonne décision. Nous ne roulons pas sur l’or, loin  de là, tu es en âge de travailler et il va de soi que ton devoir est d’aider ta famille. »

Quelques secondes furent nécessaires à Jeanne pour assimiler la sentence tout juste prononcée. Elle ressentit un violent élancement dans la nuque, comme si quelqu’un lui avait asséné un coup de marteau à l’arrière du crâne. Elle lança un regard désespéré vers sa mère qui, tête baissée, ressemblait à une enfant punie. La consternation fit place à la colère. »

« La valse des jours », de Alizé Cornet, éd. Flammarion, 360 pages, 20€

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