Le 33eme prix RTL-LIRE couronne « Un monde à refaire », copieux et brillant premier roman de la scénariste Claire Deya. Elle y rappelle à nos mémoires l’autre débarquement qui eut lieu en Provence en août 1944 et le sort tragique des démineurs français et allemands. A vous les studios.
Pas question d’un ni oui ni non. En matière de débarquement, à l’été 44, il n’y eut pas que la Normandie. Pour son premier roman, « Un monde à refaire », publié aux éditions de l’Observatoire (*), Claire Deya a choisi la Provence. Car dès la mi-août ses plages, entre Cavalaire et Saint-Raphaël, connurent l’opération Dragoon, opérée par la 7eme armée américaine avec l’appui d’une partie des troupes du général de Lattre de Tassigny. Sauf que cet épisode, tout aussi déterminant que celui du 6 juin 1944, est passé au second plan dans les mémoires.
Les images filmées du premier assaut ajoutées aux photographies de Robert Capa, lui ont-elles volé la vedette? C’est possible. Il n’en reste pas moins que le tribut sanglant versé sur le sable y fut d’autant plus conséquent que le secteur était infesté de mines. Treize millions ! Les trois mille français volontaires pour déminer constituaient un bien maigre commando. On leur accola des prisonniers de guerre allemands. A la sidération que provoqua d’abord une telle décision succéda peu à peu un retour à la fraternité. C’est cet « angle mort » de l’histoire de la Libération qu’a choisi l’auteure, jusqu’alors scénariste, pour y installer le socle d’une puissante intrigue romanesque qui lui a demandé deux bonnes années de travail et de documentation.
A leur source, les lettres retrouvées de son grand-père, fait prisonnier pendant deux ans et qui a puisé dans l’amour pour une femme sa force de survivre. Claire Deya en convient, « leur lecture m’ont donné une certaine fièvre pour écrire ce roman ». Fièvre que les jurés du Grand prix RTL-Lire, fondé en 1992, présidé par Philippe Labro, ont ardemment partagée en distinguant haut-la-main cette partition tragique brassant dans l’écrin de beauté provençale la mort et l’amour, la lumière et la nuit, « l’enfer au paradis ». Mais parce qu’il cristallise l’espoir d’un renouveau solide, fouillant les blessures pour mieux les réparer, « Un monde à refaire » se nourrit aussi du thème du pardon.
Qui dit Grand Prix dit Grand Studio. Autour de Labro, dont les éditions Gallimard rééditent un choix de ses « Ecrits américains » (**), la lauréate y notamment a été accueillie par Frank Moulin, Directeur de l’information de RTL, Bernard Lehut, l’homme Livres de la station, Baptiste Liger, patron de la rédaction du magazine Lire ou de la coruscante Nathalie Iris, fondatrice à la Garenne-Colombes de la librairie « Mots en marge ». Enfin, c’est une tradition, Claire Deya a reçu son livre, cette fois orné de son bandeau rouge, des mains de Gaëlle Nohant, heureuse élue l’année dernière pour « Le bureau d’éclaircissement des destins », lequel vient de paraître en poche (***). Les deux écrivaines sont toutes deux originaires de Normandie, ce qui est un début de débarquement.
La soirée s’est achevée de façon magnétique grâce à Fanny Gilles qui, après avoir lu un extrait du roman, a interprété « Put the Blame on Mame », la chanson qu’interprète Rita Hayworth dans « Gilda », le film de Charles Vidor, sorti en 1947. L’actrice et chanteuse était accompagnée au piano par Jean-Loup Champagne. Au buffet on s’affairait d’ailleurs à remplir les coupes.
(*) éd. de l’Observatoire, 416 pages, 22 €
(**) « Ecrits américains », œuvres choisies », éd. Quarto, 28€
(***) J’ai Lu, 9,20€