Delevingne, ça vous dit quelque chose ? Non pas Cara, l’actrice et top-model britannique, mais son aïeule, Doris, une ambitieuse courtisane qui fit scandale dans le tout Londres de l’entre-deux guerre. Même Churchill lui ouvrit son lit.
D’abord, les vacances ne sont pas encore vraiment finies et de toutes façons ce roman est appelé à durer bien plus qu’une (et plusieurs) saison estivale. Il est signé de Stéphanie Des Horts qui nourrit une prédilection perverse pour des personnages de femmes qui ont défrayé la chronique, connu la gloire mais dont les escarpins hors de prix n’ont laissé aucune trace sur le parquet de la postérité. La pétillante romancière s’est fait une spécialité de ces glamoureuses qui se rêvaient reines du (grand) monde et pour lesquelles plus dure fut la chute. Doris Delevingne était donc fabriquée pour elle.
C’est l’histoire d’une fille de merciers née en 1900 en Angleterre, qui grandit dans la banlieue de Londres et n’entend pas végéter dans les classes modestes. Elle sait qu’elle sera belle à tomber, n’a froid ni aux yeux ni au reste et se dirige tout droit vers une vie dorée dans laquelle elle croquera à pleines dents, qu’elle a du bonheur. On ne va pas raconter tout le livre mais tout de même, quelques points de repère s’imposent pour avoir une idée de l’animal. A 16 ans, elle s’enfuit de son pensionnat, raconte à qui veut bien l’entendre – et il y a du monde au cotillon (*) – qu’elle est issue de la noblesse française et se pend sans attendre au cou d’un beau capitaine de cavalerie qui l’initie aux gaités, non pas de l’escadron, mais du sexe. Puis s’en va cavaler sur la Riviera. Objectif, gagner assez d’argent pour ouvrir sa boîte de nuit.
A Londres, Doris ne perd pas son temps. Auprès d’une actrice qui l’héberge, elle perfectionne sa formation d’hétaïre métier d’hétaïre. Objectif, jeter sans scrupule ses dessous par-dessus les moulins, et devenir enfin « une fleur du mal dépourvue de morale”.
Là-dessus, Halsey revient, ouvre son night-club, en ouvre même deux et les affaires marchent du feu de dieu et du reste. Doruis baguenaude de lit en lit et vide les bourses, au sens plein du terme, des milliiardaires, figures de la jet-set londonienne, qui lui tournent autour et se pressent à ses atours. Churchill père et fils sont de la party. Winston est crush de la belle mais c’est un vicomte, Castlerosse, sixième comte de Kenmare, qui l’épouse. Quand Doris, isolée, réfugiée aux Etats-Unis, inquiétée par ses douteuses fréquentations, supplie le Winston Churchill de la rapatrier, ce dernier, devenu Chef du Gouvernement britannique, fait la sourde oreille. Celui qui avait fait trois tableaux d’elle ne peut plus la voir en peinture. Deux de ces toiles seront vendues en 2014 et en 2021.
Personnage fascinant, seconds rôles épatants, bijou d’atmosphère… vous allez adorer, été comme hiver, la Doris en or de Des Horts.
« Doris le secret de Churchill », de Stéphanie des Horts, éd. Albin Michel, pages, 19€
(*) Oui, oui, le premier sens de cotillon est le jupon.