Auteur à grand succès, Franck Bouysse révèle son visage de poète dans un recueil illustré de photographies. La nature y est reine et l’écriture chargée de simplicité et d’humanité.
Les best-sellers aussi écrivent de la poésie. Ca pourrait faire un beau titre et d’ailleurs il ne fait aucun doute que ça va le faire. Il n’y a qu’à regarder plus haut. Franck Bouysse est l’un d’eux. Son nom a explosé les frontières de Corrèze, sa terre natale, il est né à Brive-la-Gaillarde, lorsqu’il a publié à la rentrée 2019 « Né d’aucune femme », l’histoire d’une femme vendue par son père à un maître des forges qui devient son bourreau. Jusqu’à son terme, ce récit éprouvant tient le pari de descendre en rappel dans ce que la famille peut accoucher des pires injustices et douleurs. Du pur Bernard Clavel mais miraculeusement sans les semelles de plomb. La même année, le roman a reçu le Prix des Libraires et celui des Lectrices de ‘Elle’. Bouysse était « lancé » comme on dit dans la capitale. En 2020, il a récidivé avec « Les Buveurs de vent », prix Jean Giono.
Dans cette belle maison qu’est Phébus, son élégance, son passé ensoleillé et ses nouveaux auspices romanesques pleins d’ambitieuses initiatives qui semblent vouloir s’appuyer sur une vraie singularité éditoriale, j’y reviens vite), Franck Bouysse, attaché, j’allais dire accroché, à la terre, publie un recueil de poèmes, « Fenêtre sur terre », enrichi, en noir et blanc, d’une salve de photos. Il en est l’auteur pour une partie, la seconde étant celles de l’écrivain Pierre Demarty (« Le petit garçon sur la plage » ou, cette année, « Mort aux girafes »).
Bouysse ne l’a jamais caché (et pourquoi l’aurait-il caché, ce serait sacrément un comble !) : il a les pieds dans les gadoueux sillons des hommes et la tête interrogative dans les étoiles du ciel.
Si l’on joue à voir avec lui les choses telles qu’il les observe, c’est-à-dire d’un drone, il est clair que le ciel est une fenêtre bien secouée par les vents de tempête qui montent jusqu’à elle. Mais la poésie est un moteur à implosions et il est assez fascinant de voir ce qu’elles créent, sous sa plume, d’espoir absolu et d’inquiétude sereine, lucide.
Ce n’est pas une poésie qui s’achève forcément par un baiser, un happy end, comme dans les téléfilms américains-sucrés d’après déjeuner de la 6. De temps en temps, tout reste en suspens avec un grain de poivre sur la langue. Le doute est présent jusqu’au bout. Si Bouysse interroge les étoiles, il ne fait pas de plans sur la comète. Il n’encense rien, il n’est pas le ravi de la crèche mais sa façon d’être un homme, un homme et un regard simples, transforme tout en confiance et nous marchons avec lui, nous allons l’amble comme dit Aragon, avec ce recueil qui tient sur ses deux jambes et va solidement de l’avant.
Les images qui parcourent le recueil expriment la beauté et le mystère d’une nature patiente, qui résiste encore aux violences. Elle dit la transcendance des rivières, l’embrouillamini des branches et des herbes folles, et d’ailleurs, les échappées de lumière qui nous tiennent debout.
« Fenêtre sur terre », de Franck Bouysse, éd. Phébus, 134 pages, 18€