On perd la tête pour Marie-Antoinette

Le problème avec l’enthousiasme, c’est que c’est un piège. Tel ouvrage est si riche en contenu. Si captivant… On en parlerait des heures mais, à l’écrit, comment trouver la formule magique pour en partager la substantifique moëlle ? Une seule solution, « Cueillette ». Qui rime ici avec Marie-Antoinette. Car la France conserve pour la souveraine une tendresse inextinguible. Et pas que la France. Après le Marie-Antoinette de Sofia Coppola au cinéma, c’est une série qui lui sera consacrée cette année sur Canal+. La première vraie ‘fashion victim’ de l’Histoire reste une icône romantique et romanesque. En voilà trois passionnants exemples, en poche et en broché.

Fleurs tombées

Fargeon, l’homme qui mettait la reine au parfum

Saviez-vous qu’avant de perdre la tête, la reine faillit perdre ses cheveux ? C’est ce qui commençait sérieusement de se produire après la naissance d’Antoine-Louis. Le coiffeur Léonard (un type pas franchement sympa, imbu de sa personne et rapiat comme pas possible) en fit la confidence dans un état de panique au parfumeur de Marie-Antoinette, Jean-Louis Fargeon.

Couverture Jean-Louis Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette

« Si cet affreux événement se produit, tout mon crédit à la Cour sera ruiné d’un coup. Ce serait un désastre pour moi, certes, mais aussi pour l’art de la coiffure dans lequel nul ne saurait tenir ma place ! » Fargeon avait la parade. « Il recommanda une nouvelle poudre fortifiante parfumée à l’iris, ainsi qu’une pommade aux huiles essentielles de jasmin, de tubéreuse, de cédrat et de jonquille. Cette dernière fleur était la plus difficile à travailler et accroissait donc le coût du produit, mais elle était particulièrement chère à la reine et donnait un parfum admirable. Heureuse coïncidence ou effet de la poudre et de la pommade, la chute des cheveux royaux s’arrêta. » La suite donna naissance à « la coiffure à l’enfant ». On coupa les cheveux, non pas en quatre, mais très courts. La reine d’abord réticente, « avait cédé à l’argument selon lequel ce coup de ciseaux allait rendre aux racines de ses cheveux la vigueur perdue. La coiffure à l’enfant fut vite à la dernière mode ».

L’auteure. Originaire de Mauriac, dans le Cantal, Elisabeth de Feydeau, est historienne et spécialiste en parfums et senteurs d’hier. Elle est Docteur en Histoire contemporaine. Après avoir travaillé pour de grandes marques de parfums et cosmétiques, elle a créé sa société de conseil « en développement olfactif et culturel ». Hormis cet ouvrage sorti en 2004, elle a notamment également publié un « Dictionnaire amoureux du parfum », « L’eau de rose de Marie-Antoinette » ou « La grande histoire du parfum ».

« Jean-Louis Fargeon, parfumeur de Marie-Antoinette », de Elisabeth de Feydeau, éd. Pocket/Château de Versailles, 222 pages, 7,30€

Avec Fersen, décryptage à la lettre

John Le Carré, sors de ce corps ! Avec le concours déterminant des Archives nationales et du Museum d’Histoire naturelle qui ont mené à bien, pendant trois ans, le projet REX, voilà un ouvrage qui n’aurait pas vu le jour sans les miracles des techniques ultra-modernes de décryptage, décodage, déchiffrage de chevauchements divers et autres caviardages remis au clair. Il s’agit de la correspondance, soit une soixantaine de lettres, échangée entre Marie-Antoinette et son amoureux, le comte suédois Axel de Fersen, de 1783 à 1791. Fersen, qui est à l’origine de la tentative de la fuite à Varennes, n’aura jamais cessé d’envisager une issue heureuse au destin de la reine. Cette dernière, pour sa part, rebaptisée Joséphine, y aura découvert entre la virtualité d’une passion impossible – leur étreinte ne se fit que par les mots – la réalité politique qui l’entourait et dont elle était passée au large tout au long de son règne jusqu’à son assignation à résidence aux Tuileries puis son incarcération au Temple. D’une grande élégance, cet album reproduit chacune des missives en les commentant et, bien sûr, en les traduisant. Quelques pages détaillent la haute-technologie qui a permis cette minutieuse descente en rappel dans une conversation secrète qui s’acheva, pour l’une, sous la lame de la guillotine, pour l’autre, par un lynchage en règle lors d’une révolte populaire à Stockholm.

Couverture Correspondance secrète

Bruxelles, 10 octobre 1791, lettre envoyée par le comte Axel de Fersen à Marie-Antoinette

« Me voilà enfin de retour et je puis vous dire, ma bien tendre et chère amie, combien je vous aime, c’est le seul plaisir que j’ai ; depuis cette horrible sanction, je suis encore plus triste, votre situation doit être horrible et qu’allons-nous devenir ma tendre amie, songeons-y, sans vous il n’est point de bonheur pour moi, l’univers n’est rien sans vous. Le roi de Suède m’a voulu donner la place de grand écuyer et un régiment de hussards, j’ai tout refusé, je ne veux pas être lié, vous voir, vous aimer et vous consoler, c’est tout ce que je désire. »

L’auteure. Isabelle Aristide-Hastir a fait ses études à l’Ecole des chartes. Elle et entrée en 2001 en qualité de conservateur à la section ancienne, en charge des fonds des XVIe-XVIIIe siècles. Depuis 2010, elle est responsable du département des archives privées des Archives nationales.

« Marie-Antoinette et Axel de Fersen, Correspondance secrète », éd. Michel Lafon/Archives Nationales/ Museum d’Histoire naturelle, 279 pages, 25€

 En avant la musique !

Couverture Marie-Antoinette et la musique

Dans la profusion d’essais consacrés à Marie-Antoinette, peu se sont intéressés de manière fouillée à sa passion pour la musique. Voilà qui est fait. Si ce « Marie-Antoinette et la musique » est un récit passionnant de la première à la dernière page, c’est aussi parce qu’il retricote sous les yeux du profane, et je sais de quoi je parle, un monde acéré d’egos, une collection de jalousies recuites plus délicieuses les unes que les autres à déguster. Le show-biz de l’époque produisait en effet en rafales quelques haines sérieuses, dues, notamment, au fait que la musique n’intéressait pas grand monde et que ses vedettes n’étaient finalement aux yeux de certains, que des saltimbanques. “On venait là parce qu’il fallait y être” écrit Barbier. Pour le reste, vivement que ça se finisse. En témoigne le violoniste Viotti qui n’hésita pas à quitter le concert dont il était la star, remballant son instrument sous les yeux médusés de la reine parce que le comte d’Artois, ayant fait irruption avec toute sa suite en pleine symphonie, et s’en allant bruyamment saluer ses potes un à un, avait contraint l’orchestre à s’arrêter. A chaque époque ses aléas du direct.

« Dès le mois de septembre, les ennemis de Sacchini (Ndlr), et ils sont nombreux, font le siège de la souveraine pour lui annoncer qu’elle doit renoncer à lui et faire un geste symbolique radical. En temps normal, elle ne serait pas femme à se laisser convaincre si facilement, surtout lorsqu’il s’agit d’abandonner un compositeur qu’elle n’a cessé de soutenir. Mais le contexte la fait fléchir (…) Elle annonce à Sacchini, le 3 octobre, qu’on ne reprendra pas son opéra à Fontainebleau,  contrairement à ce qu’elle lui avait promis. L’Italien (…) sans doute terrassé par ce qu’il prend pour un désaveu complet au plus haut sommet de l’Etat, meurt d’un infarctus, trois jours plus tard, à l’âge de 56 ans. »

L’auteur. Patrick Barbier, originaire de Nantes, est professeur émérite de l’Université catholique de l’Ouest, vice chancelier de l’Académie littéraire de l’Académie de Bretagne et des Pays de la Loire et, en sa qualité d’italianiste – un aspect incontournable dans le sujet ici traité – président du Centro Studi Farinelli de Bologne. On lui doit notamment, une « Histoire des Castrats », « Voyage dans la Rome baroque » et Gaspare Spontini – La musique sous Napoléon et Joséphine ».

« Marie-Antoinette et la musique », de Patrick Barbier », éd. Grasset, 438 pages, 25€

Camélia fané
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