Les éditions Seghers rééditent un recueil de poèmes du poète ukrainien Taras Chevtchenko (1814-1861, immortel héros national, figure de l’indépendance du pays. Voici que ses vers reprennent du service aujourd’hui comme son peuple reprend les armes.
Même si ces mots sont écrits dans un contexte dramatique, il arrive que les planètes s’alignent et portent à se réjouir. C’est ainsi que les textes de ce poète et peintre ukrainien (1814-1861), héros national e figure de proue de la lutte pour l’indépendance de son pays, appartenaient au fonds Seghers, cette maison décidément faite pour toutes les résistances et qui, après avoir été un bateau de poésie sous l’ADN de son fondateur Pierre Seghers (), était ces dernières années un peu passée sous les radars. Mais depuis fin 2020, la revoilà plus renaissante que jamais sous la direction de l’éditeur Antoine Caro qui s’est employé, la forme comptant autant que le fond, à lui donner une identité carrément reconnaissable par le format qui fait écho à celle des volumes historiques de la maison.
C’est sous bannière jaune et bleu que Taras, qui entra à l’académie des beaux-arts, libéré du servage, racheté par deux artistes de renoms, revient donc avec des mots décalqués sur la tragique actualité que l’on sait, reprendre l’inchangé combat pour la liberté. Les bénéfices des ventes de cet ouvrage qui compte un avant-propos de son traducteur, André Markovicz et la reproduction de la préface que lui avait consacrée le poète Guillevic en 1964, seront intégralement reversés à l’association humanitaire AMC France-Ukraine.
Les textes ici réunis sont la réédition (l’exact contraire la reddition) du contenu du volume publié cette même année dans la célébrissime collection ‘Poètes d’Aujourd’hui’ sous le numéro 110. Ironie de l’Histoire, avec ou sans majuscule, ces poèmes, nous dit Markowicz, écrits à la fin des années 30 jusqu’à celle des années 60, adoubés par le Parti communiste français, n’avaient pas déplu au pouvoir russe qui y voyait un coup de pied de l’âne à la Russie impériale. C’es si vrai que le tsar Nicolas 1er avait interdit à Taras d’écrire et de dessiner.
Mais c’est bien pour l’indépendance de l’Ukraine démocratique, précise à rebours posthume Guillevic, qui lui aussi avait abordé l’œuvre de son camarade poète en le traduisant, que Chevtchenko invitait son peuple à s’unir et à se lever – « Fraternisez ! », « Brisez vos chaînes ! », « Aiguisez la hache ! ». Et le préfacier d’ajouter : « les poèmes de Chevtchenko sont des rêves éveillés. Il n’y a pas plus rêveur que cet homme d’action. »
« Notre âme ne peut pas mourir », de Taras Chevtchenko, éd. Seghers, 120 pages, 14€
(*) La maison republie à ce propos les deux parties intitulées « La Résistance et ses poètes », un Récit de Pierre Seghers (524 pages, 22 €) et une Anthologie (326 pages, 17 €). Nous y reviendrons.
Tu as dû boire ce calice moscovite…
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« Pour toi donc l’exil à ton tour, mon seul ami, Mon bon Jacob. Ce n’est certes
pas pour l’Ukraine
Mais c’est pour son bourreau que tu répands ton sang.
Tu as dû boire ce calice moscovite,
Le poison moscovite, il t’a fallu le boire.
Mon bon ami Jacob, inoubliable ami, Que ton âme toujours vive dans notre Ukraine : (…)
(Extrait du poème ‘Caucase’ dans lequel on trouve le vers « Notre âme ne peut pas mourir »)