Souvenirs pour Anne-Marie

Le 26 juillet dernier disparaissait Anne-Marie Garat, révélée en 1992 par son Prix Fémina en 1992 pour “Aden”. Libraire à l’enseigne de “Comme un roman’, à Paris, mais aussi romancière, Karine Henry, qui entretenait une profonde amitié avec l’auteure de “La main du diable” ou de “La nuit atlantique” au sein d’une oeuvre conséquente, nous confie cet hommage.

Par Karine Henry

La femme de lettres, d’images et de combat hantée par les fantômes de son histoire et celle de son siècle est morte le 26 juillet à Paris.”, titrait Le Monde

Oui … Depuis ce sombre jour, nous avons perdu l’une de nos plus grandes écrivaines contemporaines, essayiste éclairée et engagée mais aussi et surtout l’une des romancières majeures de la littérature française.

Oui … Depuis ce sombre jour, nous avons perdu une grande amie de notre librairie.

Oui … Depuis ce sombre jour, nous avons perdu l’ardeur brillante et tourbillonnante d’une femme d’exception et de conviction, l’intelligence, la justesse et la fulgurance d’un esprit d’envergure universelle.

Oui … Depuis ce sombre jour, nous avons perdu un être cher.

Laissons venir alors quelques souvenirs afin de les partager ensemble.

Anne-Marie …

Anne-Marie, c’est en 2001 que tu entres dans la librairie Comme un roman … 

Aussitôt, ton sourire, on ne voit que cela : ton sourire éclairant tes grands yeux bleus Atlantique, ton élégance, ta douce et discrète féminité ; aussitôt on entend et on aime ta parole enjouée … 

Bientôt une amitié naît pour ne plus jamais cesser.

Pour nombre de tes romans et essais, nous te recevons  à la librairie. Nous nous connaissons déjà … Dans la main du diable … Chambre noire … 

L’enfant des ténèbres … Une faim de loup .. Pense à demain … etc …  Et à chaque fois c’est une joie que de t’interroger sur ta création, nous t’écoutons durant des heures, tu es là, tellement là  avec tes lecteurs, si généreuse, à livre ouvert…

Anne-Marie, nous sommes maintenant en juillet 2015, tu es au volant de la voiture louée pour un voyage dans le Yukon et en Alaska sur les traces des personnages de ton roman   La source… Soudain tu es prise de la fièvre de la route ! Tu ne veux plus t’arrêter, tu veux toujours aller plus loin, foncer encore et encore vers le nord vers Le grand nord-ouest – titre du roman que tu écriras au retour de notre périple effectué sur les traces de la ruée vers l’or, de Jack London dans la cabane duquel tu es restée longuement à tout détailler comme tu savais regarder attentivement le monde du visible tout autant que de l’invisible – ou plus encore peut-être même.

Et puis encore là-bas dans le Yukon quand toi, seule, tu as aperçu L’OURS, quand tu nous as raconté l’animal, sa démarche souple, comme en suspens au-dessus du sol … Anne-Marie … Tes mots toujours si justes et si vivants, si précis et donnant à voir un réel souvent métaphorisé où venait éclore, en nos yeux, la beauté de tes visions. 

Et là-bas toujours, Anne-Marie, cette folle nuit, loin, très loin au nord du globe, où nous sommes restés à regarder le soleil ne jamais se coucher, toucher l’horizon pour rebondir aussitôt … Et nous buvions de ce drôle de whisky au miel du Yukon… Avons-nous même dansé ! 

Anne-Marie,  ton ardeur à être ! Ton entièreté. Ta force vitale … Tu savais être au monde si pleinement et dans la toute générosité, la jouissance de l’instant fugace, de l’oiseau qui passe …  Anne-Marie ; c’est toi qui nous envolais.

Anne-Marie Garat. Photo Philippe Matsas
Anne-Marie Garat. Photo Philippe Matsas

Anne-Marie, il y avait aussi tes révoltes, tes colères contre l’injustice et l’hypocrisie, contre le RACISME … Que ce soit contre l’esclavage ou le sort réservé aux peuples amérindiens.

Ton dernier ouvrage, Humeur noire, l’écrit haut et fort.

                                                                Anne-Marie, avec tes cheveux en pétard et ton sourire, lorsque l’on te disait que tu avais un côté punk.

Enfin, Anne-Marie : toi, au bout du couloir qui ouvres la porte de ton appartement situé non loin de l’église Saint-Ambroise. On entrait pour un petit café et, avec toi, le temps s’arrêtait ou plutôt s’intensifiait.. Tu savais si véritablement écouter, raconter, partager, transmettre… 

Anne-Marie, comment te remercier de tout ce que tu nous as transmis  de tes passions :  le cinéma, l’image, la photo, l’histoire … LA LITTÉRATURE & L’ECRITURE.

.Anne-Marie quand tu parlais de Giono ! Anne-Marie quand tu parlais de Victor Hugo !

Ta fougue, ta passion, ta précision, ton savoir si vaste.

Et quand tu parlais du mystère de” Rosebud” déployé dans le film d’Orson Wells Citizen Kane.

Ainsi, ce n’est pas parce que nous savons ce qu’est Rosebud à la fin du film, que nous perçons le secret de Charles Foster Kane.

 Anne-Marie … Cela te fascinait …. Le mystère des existences … Des Fantômes …  Des familles … Des enfances.

Ta littérature prenait-elle source là : au cœur de cette quête ?

De ce mystère des vies vécues dont nous nous originons, que nous savons détenir sans pouvoir le connaître, seulement cesser peu à peu de l’ignorer.

Et puis, Anne-Marie, ta générosité, ta bienveillance, ce talent inestimable d’écrivaine de littérature intrinsèquement romanesque, tes imaginaires si féconds, ta parole chantante aux éclats de clarté et de soleil… Anne-Marie ta vision, ta pensée du monde… 

Sans toi, Anne-Marie, le monde va être sacrément bancal.

Anne-Marie, là où tu es, ils seront avec toi : Gabriel Demarchy, Hélène, Lottie, Lorna Del Rio et tous les autres de tes personnages … Et nous, par eux, par tes personnages, nous saurons te retrouver et demeurer avec toi.

Anne-Marie,

Anne-Marie, nous ne cesserons jamais de te lire, relire, de continuer à te découvrir.

Anne-Marie, nous ne cesserons jamais de porter haut ton œuvre.    

Anne-Marie, avec TOI.

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