Avec Emmanuelle, Elodie croyait avoir retrouvé foi en l’amour. Sauf que… Dans « Je m’attendais à tout sauf à nous », Elodie Garnier, déjà auteure de “Juste une fois pour essayer”, secoue de nouveau la romance comme un prunier.
Les femmes dont le cœur bat pour les femmes peuvent compter sur Elodie Garnier pour descendre en spirale dans les arcanes de la relation féminine. Cette blogueuse a été très remarquée, tellement même que, de textes en nouvelles, le succès de ses publications lui a donné la confiance de se confronter à la longueur. Et tant qu’à faire, explorer le sujet dans ses moindres recoins. Cela donne, depuis 2020, deux romans qui n’en sont pas vraiment puisqu’elle a de toute évidence puisé à pleine mains dans la source d’eau brûlante, bouillonnante et salée de sa propre expérience. Le premier s’intitule « Juste une fois pour essayer » et vient d’être réédité en poche. Le second, « Je m’attendais à tout sauf à nous », sorti en mai, n’a pas attendu pour être déjà deux fois réimprimé. Les deux forment une suite mais, comme on dit, peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre.
Voici donc Elodie qui se remet difficilement d’une rupture avec Sara, mariée et mère de famille, avec laquelle elle a vécu une histoire incandescente propre à ce que les deux femmes envisagent de continuer leur chemin ensemble. Mais au moment de la grande décision, Sara a fait marche arrière laissant Elodie dévastée. Incapable de croire un seul des mots de Brel : « Il est, paraît-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril », elle trompe sa brûlure en démarrant un boulot d’assistante dans une société de production de tournages de clips musicaux. Loin de toute page blanche à réécrire, elle a conservé sur sa peau l’empreinte de la lettre i, entre parenthèses, qu’elle s’était fait tatouer en guise de tendre éternité : ce (i) est celui du mot a(i)mant.
Mais ce qui devait arriver survient et la jeune femme annonce la nouvelle à ses amies Iris et Ashley. Elle a rencontré Emmanuelle. Charisme dévastateur, faux air du mannequin d’Ophélie Meunier, cet irradiant miracle sur escarpins exerce brillamment la profession d’architecte. Elle est divorcée d’un homme d’affaires qui vit au Japon et dont elle a un petit garçon. Accessoirement Emmanuelle occupe un merveilleux appartement au cœur du 6eme arrondissement parisien et sillonne la planète en laissant dans son sillage une empreinte carbone inversement proportionnel à celui de son parfum. C’est peu dire qu’Elodie s’attendait à tout sauf à elle.
Dès lors, pour préserver ce bonheur qui l’enveloppe comme un tissu précieux serti de mots d’amour, elle fait preuve d’une patience inoxydable tandis que petite touche par petite touche, le joli tableau se fendille et le beau plancher au point de Hongrie du bel appartement se crevasse.
Le grand talent d’Elodie Garnier, à l’écriture honnête, agréable, sans volonté d’esbroufe mais au plus proche de l’action et des émotions, est de prendre son temps sans ennuyer pour raconter dans le détail, palier par palier, marche par marche, et récoltant au passage une brassée d’indices, le cheminement d’une trahison. Et retournant ainsi sur les pas de son amour, de ses éblouissements, de son obstiné désir de contempler le meilleur versant de l’amour, elle fabrique un roman boomerang.
Les réactions familiales, la Pma, l’équilibre entre la mère biologique et son épouse, une pincée de relation dominante dominée ou l’homophobie ont leur rôle à jouer à des degrés variés d’intensité dans ce parcours de la combattante et sa dernière partie en pics et dénivelés de montagnes russes. Jusqu’au sursaut final, la mélodie d’Elodie nous met le cœur dans un shaker.
« Je m’attendais à tout sauf à nous », de Elodie Garnier, éd. Fayard, 294 pages, 18€