Retour de Guerre

Il a créé l’événement ce printemps dans l’édition française. Succès de vente, “Guerre”, ce texte inédit de Louis-Ferdinand Céline, reste en bonne place en librairie. Les effets de la fièvre et du vacarme retombés, et avant “Londres”, la suite annoncée, l’écrivain et essayiste Denis Labayle nous dit son sentiment.   

Le récit commence très fort par l’homme blessé. « C’était abominable partout comme souffrance, du bas genou au dedans de la tête. L’oreille c’était la bouillie sonore… »  La guerre, Céline en a horreur et le gueulera à longueur de romans. Il en a gardé une sensibilité acide.

Comme toujours, Céline parle des gens d’en bas : un souteneur, une prostituée, une serveuse et une infirmière aux mœurs particulières qui offre un peu de bonheur à tous ces cassés de la guerre. Ses parents en visite en prennent pour leur grade, mais ça on connait.

Dans cet hôpital de campagne où parvient en permanence le bruit du canon, Ferdinand revit : « Je sentais de la vie qu’il en restait encore beaucoup dedans, qui se défendait pour ainsi dire. »

Couverture Guerre

Et puis il y a cette décoration inattendue qui lui donne du prestige.  Lui qui s’est toujours moqué des honneurs, il en profite, même si avec le prestige, il y a la jalousie.

Sans oublier cette fin, totalement excentrique, mais ce n’est pas grave. On sourit, complices.

Bien sûr, c’est Céline. Bien sûr c’est l’œuvre d’un des auteurs les plus géniaux et les plus contestés de la littérature française. Un mystère humain !  Bien sûr, c’est une chance incroyable d’avoir retrouvé ces manuscrits. Mais avouons-le, on a quelques regrets bien compréhensibles. Ce texte est un premier jet. L’auteur de Mort à crédit nous a habitués à une surprise permanente à chaque phrase. Une magie inattendue des mots, une manipulation des règles grammaticales. Ici, l’œuvre est brute, inhomogène, avec des désaccords musicaux parfaits et d’autres plus primitifs. Encore à ciseler. Cela dit, je tire mon chapeau aux transcripteurs. Quel travail incroyable !

Et puis j’aurais voulu enchaîner sur Londres, qui paraîtra ensuite. De la même manière qu’on ne découpe pas le Voyage au bout de la nuit en deux ou trois parties, le lecteur aurait eu plaisir à découvrir en continu ce deuxième volet même si Céline l’avait prévu ainsi. Qu’importe, on relira bientôt le tout et on le relira encore parce qu’avec cet auteur hors-norme la découverte littéraire est incessante.

Denis Labayle (Dernier ouvrage paru : « Le médecin, la liberté et la mort », éd. Plon).

“Guerre”, de Louis-Ferdinand Céline, 182 pages, 19€

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