Depuis 24 ans qu’il a lieu, chaque Printemps des Poètes laisse sa trace. Voici, sous le signe d’un « Ephémère » – le thème choisi cette année – fait pour durer, l’anthologie conçue Par Thierry Renard et Bruno Doucey et publiée par ce dernier. Regroupant 88 auteurs, elle est enrichie en fin d’ouvrage par l’un des pionniers français de l’art au grand air Ernest Pignon-Ernest.
Officiellement le 24eme Printemps des Poètes, commencé le 12 mars et dont Sophie Nauleau aura assuré la direction artistique – l’écrivain et poétesse publie concomitamment « S’il en est encore temps » (1) – s’achève ce lundi 28 mars. C’est-à-dire demain. Mais le 28 mars est un lundi par où commence la semaine et par quoi tout se poursuit. Comme la poésie.
Le Printemps lui, celui du cours des jours, commence tout court. Les cerisiers, les pruniers et autres magnolias en fleurs s’en donnent à cœur-joie pour en célébrer la durée. Il a prend physiquement ses racines dans une anthologie publiée chez Bruno Doucey, un éditeur pour lequel je nourris d’autant plus d’affection qu’il me fait l’honneur et la fierté de me publier (oui oui je me la pète un peu mais que voulez-vous, reconnaissez qu’il est louche d’être toujours modeste).
Le 24eme Printemps des Poètes a donc sa bible, et comme l’année précédente établie par le poète Thierry Renard et Bruno Doucey. Après « Le désir » voici « L’Ephémère ». Sa couverture est toute en chaleur, en dégradés d’orange et d’or sous cette charte graphique aux rayons de biais qui est la marque de fabrique de son immédiate reconnaissance.
L’éphémère, qui s’illustre par une superbe photographie inspirée d’un spectacle de Pina Bausch, va bien à la poésie. Il est dans la succession des choses mais avec un constant renouveau et si nous tenons debout sans sombrer dans des gouffres d’ennui, voire des gouffres tout court, c’est grâce à lui. « L’Ephémère n’est pas qu’un adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît d’urgence, de chance et de vérité, écrit Sophie Nauleau. Une prise de conscience toute personnelle (…) Il est temps de sonder à nouveau L’Ephémère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences. »
Ce recueil a de solides épaules. Il accueille quatre-vingt-huit auteurs parfois très éloignés les uns des autres dans l’espace et le temps. C’est le cas du poète, guitariste et compositeur chilien Victor Jara, torturé, on lui broya les mains, et assassiné de quarante-quatre balles le 15 septembre 1973. On y retrouve aussi l’écrivaine Nancy Huston, qui publie de son côté une « lettre à sa consoeur, poétesse, peintre et prostituée suisse Grisélidis Real (1929-2005) sous le beau titre « Reine du réel », chez Nil (2). A suivre dans ces colonnes les jours qui viennent.
Qui d’autre ? Une Jeanne Benameur, une Margaret Atwood, un Yvon Le Men, un André Velter, un Yannis Ritsos, un Louis-Philippe d’Alembert, une Sapho, un Imasango, une Murielle Szac, une Louise Dupré, un Pierre Seghers, un René Depestre, un Anthony Phelps… Stop !
Cette anthologie ouvre neuf volets sur le soleil de la poésie. Et tant qu’à rester dans la paresse des listes, citons chacun de ces chapitres tels qu’ils sont nommés: L’instant, Envol, Passion, Humanité, Enfance, Mémoire, Enigme, Rêve, Eternité. On trouve enfin dans le dernier corps de l’ouvrage un texte escortant les œuvres de l’un des pionniers de l’art de rue, Ernest Pignon-Ernest. L’éphémère a toujours été sa maison mais en habitant celles des autres.
- (1) Editions Actes Sud, 72 pages, 13€
- (2) 162 pages, 16€
« L’Ephémère – 88 plaisirs fugaces ». Anthologie établie par Thierry Renard et Bruno Doucey. Avec la participation d’Ernest Pignon-Ernest. Editions Bruno Doucey, 233 pages, 20€
