RENAITRE AU DESIR

Il n’a plus envie d’avoir envie. Elle veut un enfant de lui. Dans son  premier roman, « Six pieds sur terre », Antoine Dole confronte les impossibles. Pour mieux se réconcilier avec la vie.  

Par ce qui n’est peut-être pas complètement un hasard, il est question d’incendie dans le premier roman d’Antoine Dole publié dans une nouvelle collection, chez Robert Laffont, qui s’appelle… L’incendie. Les incendies appellent les cendres et il se trouve qu’elles sont bien là, dans ce premier roman qu’on était loin d’attendre de la part de l’auteur de « Mortelle Adèle », cette série illustrée pour la jeunesse qui a rencontré un succès aussi fulgurant que considérable. Ce sont les cendres amassées dans le cœur de Jérémy, qui ne se remet de rien, à commencer par la mort brutale de sa mère dans son adolescence. Un accident de voiture. Enfin, c’est d’abord ce qu’on lui fait croire. Mais quelle qu’en sera la raison, tout s’est irrémédiablement écroulé. Tout a été broyé. Le plaisir, le désir et, comme l’a chanté un rocker célèbre, l’envie d’avoir envie.

Camille n’est guère mieux lotie et pourtant les choses sont fondamentalement différentes. Sa mère, Patricia, quittée à 19 ans par l’homme qui l’a mise enceinte, couve sa fille, la prive de ses possibles bonheurs et mène à la godille une vie de mauvaise réputation entre les amoureux de passage qui la font passer pour une Marie-couche-toi-là. La gamine a traversé son enfance “sur le qui-vive” mais avec une stratégie imparable pour se prémunir de tout, s’ignifuger de tout.

Antoine Dole. Photo: Astrid di Crollalanza
Antoine Dole. Photo: Astrid di Crollalanza

Elle a appris, écrit Dole, à ” passer au travers “. C’est à dire? “A travers l’épaisseur inutile, la chair morte des choses. ” Pour cela il faut sourire et ce sourire est un bouclier transparent qui la protège des coups d’épée, qui la solidifie et lui fabrique une confiance en airain. Un  Un jour, elle reconstruira sa vie et roulez jeunesse, cap sur le bonheur.

Camille veut une famille, elle a ses raisons. Jérémy n’en veut pas. Il a les siennes. Et comme souvent dans ce cas de figure, la vie les fait se rencontrer.

Antoine Dole est jeune. La trentaine à peine dépassée. Il écrit avec une encre ombrée et le balancement des enfants tristes (je me souviens toujours de ce titre du roman de Roger Nimier que j’ai lu très tôt en format de poche) sans porter sa mélancolie comme un étendard. Encore moins succomber à la mode de la feel-good résilience devenue une machine à cash. Ce n’est pas le genre de la maison. Plutôt rouvrir avec douceur la porte des cœurs cassés, bons pour la poubelle, les nettoyer de leurs salissures, réveiller leurs reflets. Comme l’a fait Camille, petite fille, avec ce poupon aux yeux bleus que sa maman lui a interdisait aimer et qu’elle est allée, malgré tout, rechercher dans la poubelle parmi les immondices.

Roman des hautes mélancolies, ‘Six pieds sur terre’ est un livre qui parle à l’oreille, chuchote qu’il faut faire confiance en la vie et ne rien craindre des vents contraires.

‘Six pieds sur terre’, de Antoine Dole, éd. Robert Laffont, collection L’incendie, 253 pages, 18€

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