Vous irez loin avec elles

Elles sont sept « femmes d’aventures » à témoigner de leur passion dans ce livre de témoignages qui paraît dans la collection « Points Aventure » et que dirige l’écrivain-baroudeur Patrice Franceschi. Du Groenland à l’Amazonie, de la Birmanie au Kurdistan syrien, sur terre, en mer comme en ciel, solitaires et déterminées, ces émissaires de la liberté se sont retrouvées ensemble dans l’amphithéâtre de la Société nationale de géographie.

Pour l’agrégation de géographie, « leçon et commentaire », ça se passe au deuxième étage. L’agrégation ? Me serais-je encore gouré quelque part ? Vérifions. Voilà : j’ai lu, comme souvent un peu trop vite, le carton d’invitation qui me donne rendez-vous à la Société Nationale de Géographie, au 184 du boulevard Saint-Germain. Il s’agit de la présentation du dernier volume de la collection ‘Points-Aventure’, « Femmes d’aventure », dirigée par l’écrivain-baroudeur Patrice Franceschi et qui réunit les textes de sept impénitentes voyageuses sur terre, en mer comme au ciel. La navigatrice Isabelle Autissier en signe la préface et rentre immédiatement dans le chou de la question de genre. « Qui sont ces femmes, commence-t-elle, hormis qu’elles exercent des métiers traditionnellement pratiqués par des hommes et semblent fort bien y réussir ? On cherchera en vain, dans ce qu’elles décrivent de leurs parcours, quelques chromosomes particuliers, quelques dons aussi étranges qu’improbables, bref des singularités qui les distingueraient de l’Homo sapiens classique. Elles ont toutes l’air de sortir de la classe moyenne française, plutôt bonnes élèves mais pas exceptionnelles, toutes femmes sereinement assumées et pour une partie mères de famille. Aucun garçon manqué, aucune passionaria échevelée, juste des êtres humains devant leurs destins. » Pour l’heure, moi qui suis un homme, la réussite n’est pas de mon côté. Tandis que le soir s’installe, je me trouve en haut de la rue Saint-Jacques, dans le hall de l’Institut de Géographie. La géographie est une matière où j’ai longtemps tout confondu. Les Alpes et les Pyrénées, la côte de Jade avec celle d’Opale et cette fois l’Institut avec la Société. Quand j’arrive enfin sur zone – je tombe sur les sept aventurières sagement alignées sur l’estrade comme des hirondelles en manque de migration. Les gradins sont garnis jusqu’au dernier strapontin. Il y a là une escouade de membres de la Société des explorateurs, un duo d’aviateurs en chemise crème et galons dorés et quelques grandes figures reconnues pour leur quête de l’inconnu : des écrivains notamment, Sylvain Tesson, Patrick Deville ou l’écrivain et géopoliticien Gérard Chaliand, quatre-vingt-huit ans, au regard aussi sonore que la voix et qui a poussé son front de taureau sur tous les terrains de guérillas de la planète. Dans sa jeunesse, son directeur de thèse se nommait Rodinson. J’ai cru lire Robinson. Mutineries ou pas l’aventure est mutine.

Sept femmes d'aventures entourent Patrice Franceschi
Sept femmes d’aventures entourent Patrice Franceschi

Dans l’amphi la nuit est déjà tombée. C’est que le plafond semble disposer d’un toit ouvrant sur une crépusculaire voûte céleste agacée de nuages. Des néons en forme de cerceaux font écho au cercle des illustres découvreurs et géographes disparus. Leurs noms se succèdent en un chemin de ronde à faire tourner la tête : Colomb, Polo, Livingstone, Lesseps, Dumont d’Urville, Copernic, Magellan, David Néel, Vidal de la Blache, Charcot… En bas, à hauteur d’homme et surtout de femmes, il se dit des choses très belles sur ce que représente l’aventure : « une réponse à l’absurdité du monde » ; je suis allée fouiller dans les derniers espaces de liberté » ; « il n’y a pas d’obstacle si on veut bien qu’il n’y en ait pas » ; « il faut réfléchir avec ses sens » ; la capacité à s’explorer soi-même ». En écho et complément aux propos d’Isabelle Autissier cités plus haut, il faut évidemment lire ce qu’écrit Patrice Franceschi en quatrième de couverture à propos de ses auteures. « A elles sept, elles composent un panorama presque complet de ce que peut encore proposer l’aventure dans les domaines de la science, du sport, de l’aviation, de la connaissance des peuples lointains, de l’humanitaire ou de l’engagement pour des causes oubliées. (…) On lira leurs témoignages pour ce qu’ils sont : une volonté constante de faire de son existence ce qu’on en a décidé un jour – et rien de moins. » Pour ma part j’ai bien retrouvé, sans GPS, le chemin de chez moi.

« Femmes d’aventures », préface d’Isabelle Autissier, coll. Points Aventure, 275 pages, 12,50€

Avec des textes d’Aurore Asso (Un souffle pour l’Arctique), Daphné Buiron (Objectif Antarctique) Katell Faria (L’appel du Rojava), Mélusine Mallender (Quelques heures sur le lac), Catherine Maunoury (Voler, une possibilité magnifique), Justine Piquemal Muzik (J’avance à travers l’humanité), et Priscilla Telmon (La part de l’âme).

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